Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
et une description de tout
ce qui se trouvait dans la mallette, le portefeuille et les poches du
mort : « Les Allemands étudièrent chaque phrase des lettres avec une
grande attention et ils étaient aussi parfaitement informés à propos de la
construction de la personnalité du major Martin. »
La première évaluation complète des documents par les
services de renseignement allemands fut écrite le 11 mai et signée par le
Baron von Roenne. Elle était adressée au commandement supérieur de la
Wehrmacht, OKW ou Wehrmachtführungstab , dirigée par le général Alfred
Jodl, et intitulée, pompeusement, « Découverte du message anglais ».
Elle commençait ainsi : « Sur le cadavre d’un messager anglais qui
fut découvert sur la côte espagnole se trouvaient trois lettres de hauts gradés
britanniques à des hauts gradés alliés en Afrique du Nord… Elles donnent des
informations concernant les décisions prises le 23 avril 1943, et
relatives à la stratégie anglo-américaine pour la conduite de la guerre en
Méditerranée après la conclusion de la campagne de Tunisie. » Le major
Martin est décrit comme « un spécialiste expérimenté en opérations
amphibies ».
Von Roenne continue en exposant, point par point, la
désinformation préparée par Cholmondeley et Montagu. « Des opérations
amphibies à grande échelle sont prévues à la fois à l’Ouest et à l’Est de la
Méditerranée. L’opération prévue à l’Est de la Méditerranée, sous le
commandement du général Wilson, se fera sur la côte près de Kalamata et au Sud
du cap Araxos. Le nom de code du débarquement dans le Péloponnèse est “Husky”…
L’opération qui doit être conduite à l’Ouest de la Méditerranée par le général
Alexander a été mentionnée, mais sans citer son objectif. » Toutefois, von
Roenne avait relevé la référence aux sardines. « Dans cette lettre, une
remarque badine fait référence à la Sardaigne, écrit-il. Le nom de code de
cette opération est “Brimstone”. » L’offensive sur la Sardaigne,
conjecture-t-il, sera « une attaque mineure du type “commando” » car
Mountbatten a demandé que le major Martin lui soit rendu après l’opération. « Cela
laisse supposer qu’il s’agit d’un débarquement sur une île et non d’une
offensive majeure… C’est un autre point en faveur de la Sardaigne. »
De surcroît, von Roenne souligna que la Sicile n’était pas
une véritable cible pour les Alliés, mais seulement une diversion :
« L’opération de diversion pour “Brimstone” porte sur la Sicile. » Ce
mensonge restera immuablement ancré au cœur de la réflexion stratégique
allemande pendant les mois suivants : les offensives se feront à l’Est, en
Grèce, et à l’Ouest, très probablement en Sardaigne ; les signes d’un
quelconque débarquement en Sicile peuvent être réfutés en toute quiétude comme
étant des canulars. La seule incertitude, avertit von Roenne, était celle de la
date. Si les deux divisions identifiées dans la lettre de Nye – la 56 e division
d’infanterie qui attaquerait Kalamata et la 5 e division
d’infanterie qui avait pour cible le cap Araxos – n’étaient pas déployées
avec leur puissance maximale, alors l’« opération pouvait être montée
immédiatement » et l’offensive pouvait démarrer à tout moment. Toutefois,
von Roenne remarqua que deux brigades de la 56 e division
étaient « toujours en action » à Enfidaville. Si toute la division
devait être utilisée dans l’assaut, ces troupes « devaient d’abord se
reposer avant d’être embarquées. Cette possibilité, qui nécessite un certain
délai avant le lancement de l’opération, est la plus probable, à en juger par
la forme des lettres. » D’après les mûres réflexions de von Roenne,
l’Allemagne disposait encore d’« au moins deux ou trois semaines »
pour envoyer des renforts sur la côte grecque avant l’attaque.
Ce délai suffisait aux Anglais pour changer leurs plans, ce
qu’ils ne manqueraient pas de faire s’ils savaient que les informations étaient
arrivées jusqu’aux Allemands. Von Roenne eut alors cette importante
considération : « L’état-major britannique sait que les dépêches du
messager au [sic] major Martin sont tombées entre les mains des Espagnols,
écrivit-il, [mais] l’état-major britannique ne sait peut-être pas que nous
avons eu connaissance de ces lettres, car un
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