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Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale

Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale

Titel: Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ben Macintyre
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Mincemeat.

18

Mincemeat digéré
    Alexis Baron von Roenne avait l’allure du parfait officier
de renseignement nazi : ancien combattant de la Première Guerre mondiale,
blessé de guerre, récompensé par la croix de fer, loyal à son serment et
analyste préféré du Führer. « Hitler accordait une foi inébranlable à von
Roenne et à son habileté de raisonnement, et semblait l’avoir apprécié
personnellement. » L’ancien banquier aristocrate avait combattu dans le
fameux régiment de Potsdam, il était allé à l’académie militaire et avait
démontré sa supériorité intellectuelle dès le début de la guerre. En 1939, on
lui avait confié la tâche de déterminer si le Royaume-Uni et la France
voleraient au secours de la Pologne, en cas d’invasion allemande. Il avait
envoyé un rapport spécial à Hitler, prédisant que « les alliés occidentaux
protesteraient contre une attaque allemande, mais qu’il n’y aurait pas d’action
militaire ». La prédiction de von Roenne était « exactement ce que
Hitler voulait entendre » ; il était aussi exceptionnellement
sensible à ce que le Führer voulait entendre. « Hitler était très
impressionné par l’intuition de von Roenne, ainsi que par la précision de son
évaluation. »
    En 1940, von Roenne prédit que la Ligne Maginot, censée
protéger la frontière orientale de la France, pouvait être contournée, ce qui
assura la réussite de la percée allemande. Il avait encore raison. En
mai 1943, von Roenne était l’interprète des runes du renseignement auxquelles
Hitler faisait le plus confiance – c’était une responsabilité effrayante.
« Il était de son ressort de produire les renseignements définitifs dont
le haut commandement avait besoin… C’est sur son bureau qu’atterrissaient
toutes les responsabilités. »
    Ses collègues décrivent von Roenne comme quelqu’un de froid
et hautain, « un intellectuel distant, impossible de se lier d’amitié avec
lui ». Le comportement inaccessible de von Roenne n’était peut-être pas
surprenant, car le fonctionnaire fasciste pincé avait un autre visage, inconnu
de ses collègues nazis – et, surtout, de Hitler. Von Roenne était un
opposant secret, mais engagé, du nazisme, qui avait une double vie. Il
détestait Hitler et les malfrats grossiers qui l’entouraient. Il avait une
tournure d’esprit vieillotte, monarchiste, militaire, imprégnée de tradition
féodale et de la croyance que certaines personnes (comme lui) « à cause de
leurs origines, étaient en droit d’être de rang supérieur ». Sa conscience
chrétienne avait été outrée par la terreur SS épouvantable qui s’était
déchaînée en Pologne. En silence, mais avec une conviction absolue, il s’était
tourné contre le régime nazi.
    À partir de 1943, il gonflait délibérément et
systématiquement l’ordre de bataille allié, exagérant la force des armées britanniques
et américaines dans l’espoir de tromper Hitler et ses généraux. Même s’il y
parvint, sa motivation demeure incertaine. Von Roenne a peut-être simplement
compensé la tendance qu’avaient ses supérieurs à diminuer les chiffres. Il
essayait peut-être d’impressionner ses chefs. C’était un opposant fanatique du
bolchevisme qui menaçait de détruire le système de classes dont il était
l’héritier et, avec d’autres anti-communistes allemands, il avait peut-être
fait le calcul que « si l’Allemagne devait céder face à des forces
supérieures à l’Ouest, les Alliés étaient les mieux placés pour contenir les
Soviétiques, et une force alliée grossie était l’un des moyens de parvenir à
cette fin ». Comme d’autres conspirateurs allemands antinazis, il voulait
peut-être simplement que l’Allemagne perde la guerre aussi vite que possible,
pour éviter d’autres bains de sang, et pour se débarrasser de Hitler et de son
cercle odieux au pouvoir. Quelles que soient ses raisons, et malgré sa
réputation de gourou du renseignement, en 1943, von Roenne faisait délibérément
passer des informations, qu’il savait fausses, directement sur le bureau du
Führer.
    L’heure de gloire de von Roenne viendrait lors du
débarquement en Normandie en 1944. Lors des préparatifs en vue du Jour J, il
transmit fidèlement toutes les ruses de désinformation dont il avait eu
connaissance, il valida l’existence de toutes les unités fantômes et porta les
quarante-quatre divisions stationnées en

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