Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
messager transportait, serré dans la main, une
mallette ordinaire qui contenait les documents suivants :
a) Un papier blanc ordinaire, qui enveloppait les lettres
adressées au général Alexander et à l’amiral Cunningham. Ce papier blanc ne
portait aucune adresse.
Les lettres étaient chacune protégée par sa propre
enveloppe, munie de l’inscription habituelle et personnellement adressée à son
destinataire, et apparemment scellée par le sceau privé de l’expéditeur
(chevalière). Les sceaux étaient intacts. Les lettres elles-mêmes, que j’ai
déjà fait replacer dans leur enveloppe d’origine, sont en bon état. Avant
d’être reproduites, elles furent séchées à la chaleur artificielle par les
Espagnols, avant d’être à nouveau placées dans de l’eau salée pendant
24 heures. Sans cette dernière étape, leur condition aurait
indubitablement été altérée.
b) Le portefeuille, qui contenait aussi les épreuves de
la brochure sur les fonctions du Commandement des Opérations Combinées, à
laquelle Mountbatten faisait référence dans sa lettre du
22 avril 1943, ainsi que les photographies mentionnées dans la
lettre. Les épreuves étaient en excellent état, mais les photographies sont très
abîmées.
2. De plus, le messager transportait dans sa poche de
poitrine un portefeuille contenant des papiers personnels, dont ses papiers
militaires avec des photographies. (Ces papiers peuvent être reliés à la
référence au major Martin faite par Mountbatten dans sa lettre du
22 avril.) Il y avait aussi une lettre au major Martin de la part de sa
fiancée et une autre de son père, ainsi qu’une facture pour un night-club
londonien, datée du 27 avril.
Par conséquent, le major Martin quitta Londres dans la matinée
du 28 avril et durant l’après-midi du même jour, son avion eut un accident
aux environs de Huelva.
3. Le consul britannique était présent lors de la
découverte et sait tout. Au prétexte que tout ce qui était trouvé sur le corps,
y compris tous les documents, devait être mis à la disposition des autorités
espagnoles compétentes, nous avons anticipé des réclamations que le consul
britannique aurait probablement faites pour la délivrance immédiate des
documents. Après leur reproduction, tous les documents furent replacés dans
leur condition originale de façon à donner indubitablement l’impression qu’ils
n’avaient pas été ouverts, et même moi, j’aurai été convaincu. Dans les
prochains jours, ils seront rendus aux Britanniques par le ministère des Affaires
étrangères espagnoles.
Des enquêtes relatives aux restes du pilote de l’avion,
vraisemblablement blessé pendant l’accident, et sur le sort des autres
passagers éventuels, ont déjà été mises entre les mains de l’état-major
espagnol.
Le rapport n’était pas signé, mais la phrase « même
moi, j’aurai été convaincu » était caractéristique de la vantardise de
Kuhlenthal, tout comme les erreurs et les exagérations, qui étaient son talon
d’Achille. Il sous-entendait qu’un pilote avait été trouvé et était interrogé ;
il affirmait avoir supervisé la remise en place des lettres, alors qu’il
n’avait été qu’un simple observateur ; il décrivait les sceaux comme
provenant de chevalières personnelles, alors que c’était des sceaux militaires
standards ; il ne mentionnait pas la chaîne attachant la mallette au
corps, mais ajoutait le détail mélodramatique (et inexact) que le corps avait
été trouvé serrant la mallette. Décrire les places de théâtre comme des reçus
de night-club était une erreur pardonnable, mais confondre les dates ne l’était
pas. La date qui y était inscrite était le 22 avril, et pas le
27 avril. Le corps fut découvert le 30 avril. D’après le rapport de
Kuhlenthal, le corps était immergé depuis moins de trois jours lorsqu’il fut
récupéré, une chronologie catégoriquement contredite par l’état de
décomposition et par l’autopsie, qui estimait que la mort remontait à huit
jours ou plus.
Bletchley Park intercepta un message indiquant que
Kuhlenthal « quitta Madrid en toute hâte pour Berlin afin de consulter à
la demande de celui-ci et avec l’Oberleutnant von Dewitz, l’évaluateur de KO
[Abwehr], les rapports transmis d’Espagne au Luftwaffenfuehrungstab ».
Kuhlenthal avait une chambre réservée à l’hôtel Adlon, à Berlin, mais,
apparemment, il se rendit directement au
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