Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
Grande-Bretagne à quatre-vingt-neuf.
Sans la connivence consentante de von Roenne, la complexe toile de
d’information tissée pour le Jour J aurait pu être dénouée. Un historien
affirme que « sa méthode pour lutter contre la machine de guerre nazie
consistait à gonfler les estimations des forces alliées en Angleterre et à
convaincre Hitler et l’OKW que l’offensive principale se ferait sur
Calais », alors qu’il savait probablement que la véritable offensive
visait la Normandie. Sa détermination à se laisser tromper joua un rôle
déterminant dans le dernier chapitre de la guerre.
Von Roenne n’était pas directement impliqué dans le complot
raté, mené par Claus von Stauffenberg, pour assassiner Hitler en
juillet 1944. Mais c’était un ami proche de Stauffenberg et des autres
conspirateurs de l’opération Walkyrie et ses liens avec la rébellion étaient
suffisants pour lui valoir un destin tragique dans les terribles représailles
menées par la Gestapo. La revanche de Hitler fut d’une brutalité stupéfiante.
Un mois après le complot de juillet, von Roenne fut arrêté, jugé et condamné à
mort après un procès exemplaire devant le « tribunal du peuple ».
Pour sa propre défense, von Roenne déclara simplement que la politique raciale
nazie était en contradiction avec les valeurs chrétiennes. Le
11 octobre 1944, avec d’autres conspirateurs présumés, il fut pieds
et mains liés, dans la prison de Berlin-Plötzensee, accroché par la gorge à un
crochet de boucher et laissé mourir d’une mort lente. Dans un excès de
barbarie, Hitler ordonna que certaines exécutions soient filmées pour son bon plaisir.
À la veille de sa mort, von Roenne écrivit une épitaphe à sa femme :
« Bientôt, je retournerai à la maison de Notre Seigneur dans le calme et
dans la certitude du salut. » Von Roenne aida indubitablement les Alliés à
gagner la guerre, mais ses motivations exactes restent un mystère. Si
Kuhlenthal allait perdre la guerre du renseignement par accident, von Roenne la
perdit par dessein.
En mai 1943, l’allégation que le colonel von Roenne
était un conspirateur antinazi, cherchant à saper Hitler, aurait été
inimaginable, voire elle aurait constitué une trahison. Le petit baron était
toujours l’analyste préféré de Hitler et s’il déclarait qu’il y avait
« des preuves absolument convaincantes de la fiabilité » de cette
« réussite fracassante de l’Abwehr », alors c’était ce que Hitler
allait très probablement croire.
Pendant les deux semaines que dura l’attente de nouvelles en
provenance d’Espagne, l’atmosphère dans la salle 13 était
« malodorante, irritable et irascible ». Les grommellements de
Montagu s’étaient amplifiés ; il se plaignait qu’« il devait se
baisser à chaque fois qu’il passait sous le tuyau d’aération, ce qui le faisait
arriver dans la salle 13 le dos courbé ». Étant donné la pression,
marmonnait-il, il est « surprenant que nous n’ayons que cinq dépressions
parmi le personnel féminin ».
Le 12 mai, le jour même où Hillgarth signala le retour
de la mallette, Juliette Ponsonby, la secrétaire de la section 17M, partit
chercher les dernières dépêches de Bletchley Park dans la salle des
téléscripteurs de l’Amirauté. Montagu commença à feuilleter les imprimés.
Soudain, il poussa un grand cri et frappa si fort sur la table que sa tasse à
café tomba de son bureau. Ce matin-là, les intercepteurs avaient reçu un
télégramme envoyé par le général Alfred Jodl, chef de l’état-major de la
Wehrmacht dans l’OKW et responsable de toute la planification des opérations
militaires, indiquant qu’« un débarquement ennemi à grande échelle est
projeté dans un proche avenir à la fois à l’Est et à l’Ouest de la Méditerranée ».
L’information, envoyée au haut commandement allemand au Sud-Est et au Sud, avec
des copies à la division de l’état-major opérationnel de la marine et à
l’état-major opérationnel de l’aviation, fut décrite par Jodl comme provenant
d’« une source qui pourrait être considérée comme absolument
fiable ». Le message fournissait ensuite tous les détails de l’offensive
prévue en Grèce, exactement telle que décrite dans la lettre de Nye. Jodl
approuva lui-même les documents : « Il est très rare qu’un rapport de
renseignement soit transmis à l’état-major opérationnel ou par un [si]
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