Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
étaient informés, l’offensive sur la
Sicile échouerait. Le général américain dit à Churchill : « Si de
substantielles troupes au sol étaient placées dans la zone avant l’attaque, les
chances de réussite deviendraient quasi nulles et le projet devait être
abandonné. » Même une alerte reçue quelques heures avant se payerait par un
bain de sang. La surprise était essentielle ; son absence était
potentiellement suicidaire. La remarque de conclusion de Patton restait gravée
dans la tête de Jewell, ce qui l’irritait et l’alarmait à la fois :
« Les sous-marins seraient à moins d’un mile de l’ennemi. Mais ils doivent
y rester vaille que vaille, jusqu’à l’arrivée de la Task Force avec
l’armée. » Le Seraph, qui portait le nom de code
« Cent », resterait à la surface après le lever du soleil, isolé et
sans défense, cible facile pour les canons italiens alignés le long de la côte.
C’était certainement la mission la plus dangereuse de Jewell, et il y avait de
fortes chances pour que ce soit aussi la dernière.
Jewell ne faisait aucun cas de sa propre sécurité. Il avait
affronté moult dangers et périls au cours de cette guerre effroyable. À chaque
fois, il avait prouvé qu’il était prêt à mourir. Mais là, il avait trouvé une
nouvelle raison de vivre : Bill Jewell était amoureux.
Après avoir joué son rôle dans l’opération Mincemeat, Jewell
était retourné à Alger pour une permission à terre bien méritée. Parmi les
nouvelles recrues du quartier général allié, il y avait Rosemary Galloway,
officier des Wrens, la branche féminine de la Royal Navy. Rosemary était
affectée au chiffre : elle codait et décodait les messages qui entraient
et sortaient du quartier général allié, et elle était donc au courant
d’informations secrètes et sensibles. Elle était vive, intelligente et
extrêmement séduisante. Jewell et Rosemary s’étaient déjà rencontrés en
Angleterre et, dans la chaleur étouffante d’Alger, leur amitié se transforma
rapidement en histoire d’amour. Lorsque Bill Jewell eut repéré Rosemary dans
son périscope émotionnel, il n’a eu de cesse de la poursuivre de ses avances
avec une détermination sans faille. Elle se révéla être une proie parfaitement
consentante. Les occasions de faire la cour étaient limitées à Alger pendant la
guerre, et Jewell les saisit toutes.
À Sidi Barouk, juste à la sortie de la ville, les Américains
avaient établi un camp de repos, qui était ce qui ressemblait le plus à un country
club américain en Algérie, avec son bar, son restaurant, son court de
tennis et sa piscine. Jewell s’en souvient : « Le haut commandement
américain avait pris possession d’un bout de plage et d’un champ d’oliviers et
les avait transformés en rêve des Mille et Une Nuits – sans les houris,
bien sûr ! » (En fait, il y en avait aussi à disposition.) Une soirée
à Sidi Barouk était, selon Jewell, « une plongée dans le luxe ». Les
relations amicales que Jewell entretenait avec des hauts gradés américains lui
donnaient accès à ce « lieu très fermé » et lui permettaient même de
faire appel aux services d’un chauffeur américain, le soldat Bocciccio,
originaire de Brooklyn, qui conduisait en laissant toujours pendre une de ses
jambes à l’extérieur de la Jeep. Quand Bocciccio n’était pas disponible, Jewell
promenait Rosemary en ville dans une vieille Hillman dont la 8 e flottille
avait fait l’acquisition et qui était surnommée « le piège à Wren »,
moins pour son attrait romantique, qui était nul, que pour son potentiel
captif : « Aucune des portières ne s’ouvrait de l’intérieur et,
quelle que soit l’urgence de leur besoin de prendre l’air, les Wrens qui
prenaient le risque d’y monter devaient s’en remettre à la galanterie de leur
compagnon pour les libérer. » Bocciccio, qui avait appris quelques
expressions d’argot anglais, ne manquait pas de critiquer le piège à Wren, et
ce qu’il s’y passait : « Ce tas de boue n’a plus de ressorts. »
L’hôtel St-George était le meilleur d’Alger et
c’était aussi le quartier général d’Eisenhower. Édifié sur le site d’un ancien
palais maure, il était entouré de jardins où poussaient hibiscus, roses et
cactées fleuries ; par temps de guerre et de paix, les visiteurs y
sirotaient des cocktails, à l’ombre de grands parasols plantés parmi les
palmiers et
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