Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
mais ferme.
« Comme tu peux t’en souvenir, lorsque tu abordas le sujet en 1951, je pensais
ne pas pouvoir y prendre part en raison de la position que j’occupais. »
Entre-temps, Cholmondeley avait quitté le MI5. « Même si la situation
générale a considérablement changé, écrivit-il, je ne pense pas que ma position
assez particulière ait subi le même revirement et, par conséquent, je dois
réaffirmer ma décision de ne pas prendre part et à cette publication et de n’en
tirer aucun bénéfice. Je suis certain que tu sauras apprécier cette différence
dans nos positions, mais il n’a pas été facile de prendre cette décision et,
crois-moi, je n’en apprécie pas moins ton offre très généreuse. »
Le premier épisode de l’histoire, proclamant « Le
secret le plus fantastique de la guerre révélé pour la première fois »,
parut dans le Sunday Express le 1 er février, sous le
titre The Man Who Never Was (L’homme qui n’a jamais existé) – le
titre est le fruit de l’inspiration du rédacteur en chef, Jack Garbutt. Deux
autres épisodes suivirent. Naturellement, Ian Colvin était furieux d’être
exclus de l’histoire, mais pour l’amadouer, il fut autorisé à écrire une
introduction et une analyse. Son propre livre – forcément incomplet, mais
qui montre néanmoins une investigation remarquable – parut plus tard cette
année-là sous le titre The Unknown Courier ( Le Messager inconnu).
Le livre de Montagu, The Man Who Never Was ( L’Homme
qui n’a jamais existé), fut publié quelques mois plus tard par Evans
Brothers, avec en couverture, l’image d’un Marine sans visage (portant
malencontreusement un uniforme de service). Il connut un succès immédiat et se
vendit à plus de 3 millions d’exemplaires. Il n’a jamais été épuisé.
L’opinion des anciens collègues de Montagu dans le monde du
renseignement était très divisée sur la décision de dévoiler l’opération
Mincemeat. Charles Cholmondeley ne fit aucun commentaire sur le contenu, mais
il fit preuve de générosité, comme toujours : « Je me réjouis
d’avance de pouvoir bientôt voir cette saga captivante et palpitante sur les
écrans. » Mountbatten donna son soutien éclairé : « Même si je
désapprouvais sincèrement Operation Heartbreak , et je l’ai dit à
l’auteur quand je l’ai rencontré, une fois que la mèche a été vendue, il me
semble préférable de raconter l’histoire telle qu’elle s’est déroulée. »
Pourtant, Archie Nye, l’auteur de la pièce maîtresse du complot, était très
critique et a dit à Montagu qu’il aurait besoin « d’une bonne dose de
persuasion pour croire que les mérites de la publication dépassaient les
inconvénients ». John Masterman y était aussi opposé. « Toi et moi,
nous ne sommes pas d’accord sur la sagesse de publier Mincemeat sous cette
forme, écrivit-il. J’ai toujours cru qu’il y avait des avantages à ce qu’une
bonne partie soit publiée, mais je pense aussi que la publication doit être
anonyme et sanctionnée officiellement. » (Ces scrupules ne durèrent pas.
En 1972, Masterman publierait sa propre version du Système Double Cross, sous
son propre nom et malgré une forte opposition officielle.) La critique la plus
acerbe vint de l’amiral John Godfrey. « Oncle John me descendit en flamme
au téléphone comme autrefois », raconta Montagu à un autre ex-collègue de
la salle 13. Le vieil amiral souligna avec irritation que le livre
prétendait ne pas être de la fiction, tout en taisant des vérités clés :
« Votre admirable Homme qui n’a jamais existé dissimule le véritable
secret final – comment savions-nous que les Allemands avaient eu accès aux
dépêches ? »
L’Homme qui n’a jamais existé demeure un classique de
la littérature d’après-guerre. Avec la précision d’un juriste, Montagu exposa
le complot par étapes minutieuses pour révéler « un exploit plus
incroyable que n’importe quelle fiction de guerre ». Plus d’un demi-siècle
plus tard, son récit est toujours aussi captivant. C’est un véritable tour de
force de reconstruction historique.
Pourtant, le livre est partial – et n’a jamais prétendu
le contraire – dans les deux sens du terme. Par certaines façons, il
répond à la demande de la propagande d’après-guerre. D’après Montagu, les
planificateurs anglais ne commirent pas d’erreurs et les Allemands furent dupes
et n’eurent
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