Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
personne. En
octobre 1949, Alfred Duff Cooper, futur vicomte Norwich, ministre de
l’Information pendant la guerre, commença à travailler sur un roman basé sur l’histoire
de l’opération Mincemeat. Operation Heartbreak raconte l’histoire de
« William Maryngton », un homme incapable de servir son pays de son
vivant, mais qui, après sa mort, servit d’une façon qui ne laissait pas la
moindre ambiguïté. Dans le dernier chapitre, on pouvait lire :
L’aube ne s’était pas encore levée, mais cela n’allait pas
tarder, quand le sous-marin fit surface. L’équipage était soulagé de pouvoir
respirer l’air frais et il l’était encore plus de pouvoir se débarrasser de sa
cargaison. L’emballage fut retiré et le lieutenant se mit au garde-à-vous et
salua tandis que le corps de l’officier en uniforme était déposé aussi
délicatement que possible à la surface de l’eau. Une douce brise soufflait vers
la côte et la marée montait. Willie partit enfin en guerre, l’insigne de son
grade sur ses épaulettes et une lettre de sa fiancée contre son cœur
silencieux.
Operation Heartbreak est une charmante fiction et il
était évident qu’elle était basée sur des faits réels.
Duff Cooper avait eu connaissance de l’affaire en
mars 1943, alors qu’il était au gouvernement, mais il a probablement eu
accès au dossier Mincemeat à la fin de la guerre. Montagu pensait que
« Duff Cooper avait entendu Churchill parler de Mincemeat lorsque ce
dernier était d’humeur expansive après le dîner. Ensuite (j’en suis sûr, mais
je n’en ai pas la preuve formelle) une personne que je ne nommerai pas lui a
donné accès à un exemplaire du rapport. » Il est fort possible que Montagu
ait lui-même montré le dossier à Duff Cooper pour mettre la pression sur le
gouvernement afin d’être autorisé à raconter la version non fictive. On peut
supposer que Churchill voulait que l’histoire sorte. Quand l’autre opération
Mincemeat – une simple opération de pose de mines – fut révélée dans
les années 1950, Alan Brooke, ancien chef de l’état-major général
impérial, confondit apparemment toutes ces opérations et écrivit :
« Sir W a toujours voulu que cette histoire soit racontée. »
Pourtant, en 1950, les autorités ne voulaient surtout pas
que l’histoire soit racontée et, quand Whitehall eut vent du contenu d’ Opération
Heartbreak , Duff Cooper fut soumis à une forte pression – probablement
de la part du Premier ministre, Clement Attlee, en personne – pour que le
livre ne soit pas publié. L’histoire risquait de nuire aux relations
anglo-espagnoles et les services de renseignement britanniques pourraient avoir
besoin d’employer la même ruse à l’avenir. Duff Cooper « considérait que
les objections étaient ridicules ». D’après Charles Cholmondeley, Cooper
menaçait de dire qu’il avait appris l’histoire « directement de Churchill
s’il était poursuivi en justice ». Opération Heartbreak fut publié
le 10 novembre 1950, déclenchant une vague de critiques et de
« consternation dans les services de sécurité ». Il se vendit à
40 000 exemplaires.
Le loup était sorti du bois, au moins dans sa forme fictive,
et Montagu renouvela sa demande pour être autorisé à publier son histoire
« car il ne pouvait pas y avoir une loi pour un ministre au gouvernement
et une autre pour les gars qui font le boulot ». Il écrivit à Emanuel
« Manny » Shinwell, le secrétaire de la Défense, exigeant de savoir
si Cooper pouvait être poursuivi pour violation de la Loi sur les secrets
d’État et, dans le cas contraire, s’il y avait une quelconque raison qui
expliquait pourquoi il ne pouvait pas publier son propre récit non fictif.
Une fois encore, les autorités résistèrent. La publication
des faits serait « totalement contraire à l’intérêt public », écrivit
Sir Harold Parker, secrétaire permanent du ministre de la Défense.
« Un récit véridique devrait exposer de quelle manière la loi fut
manipulée pour entrer en possession d’un cadavre, la contrefaçon des documents
de sociétés connues (avec ou sans leur accord) et l’utilisation faite de la
croyance des catholiques » comme composante du complot. Sir Harold
ordonna aussi à Montagu de restituer les dossiers Mincemeat, car « il n’y
a plus aucune raison que vous conserviez une copie du déroulement de
l’opération ».
Montagu répondit
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