Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
photo et, si l’on voulait essayer d’obtenir un cliché
récent, s’il en existait, il faudrait contacter la famille de Michael. Montagu
et Cholmondeley se rendirent à la morgue de St-Pancras avec un appareil photo
et un mètre ruban. Pendant que Cholmondeley mesurait Glyndwr pour la tenue de
combat et les godillots des Royal Marines, Montagu le prépara pour la prise de
vue. C’était la première fois qu’ils voyaient le cadavre : le visage paraissait
maigre et maladif, assez différent du jeune combattant qu’ils avaient imaginé.
Quoi qu’il en soit, comme Montagu le fit remarquer : « Il ne doit pas
nécessairement ressembler à un officier – seulement à un officier
d’état-major », et c’était rarement les spécimens au gabarit le plus
impressionnant.
C’était probablement la première fois que Glyndwr Michael
était photographié. Mais la séance de pause macabre fut un « échec
total ». Au bout de quelques jours seulement, les yeux du cadavre dans la
chambre froide avaient commencé à s’enfoncer dans leur orbite et les muscles
faciaux s’étaient relâchés. Il était tout simplement impossible de
photographier le visage d’un mort sans qu’il n’ait l’air d’être mort. Avant de
mourir, Michael était maigre. Chaque jour supplémentaire passé à la morgue de
St-Pancras lui donnant l’air encore plus mort. Quels que soient l’angle et
l’éclairage sous lesquels il était photographié, le nouvellement nommé William
Martin refusait obstinément de reprendre vie devant l’objectif.
Au bureau, et dans la rue, Montagu et Cholmondeley épiaient
furtivement les visages de leurs proches ou de parfaits inconnus, dans l’espoir
de repérer quelqu’un qui pourrait servir de doublure à Bill Martin. Glyndwr
Michael avait un visage quelconque et des cheveux grisonnants et clairsemés.
D’après Montagu, « il serait passé inaperçu dans une foule ».
Pourtant, trouver quelqu’un qui lui ressemblait, ne serait-ce que vaguement, se
révélait extraordinairement difficile.
Pendant que Montagu recherchait le visage adéquat,
« dévisageant sans gêne tous ceux que nous rencontrions »,
Cholmondeley partit en quête de vêtements. Glyndwr Michael était grand et
maigre, « avec une constitution quasiment identique » à celle de
Cholmondeley. Cholmondeley acheta d’abord des bretelles, des guêtres et des
godillots militaires standards, en taille 47. Puis, ayant reçu
l’autorisation du colonel Neville des Royal Marines, il se présenta chez
Gieves, le tailleur militaire de Piccadilly, pour y trouver une tenue de combat
des Royal Marines, avec les décorations qui correspondaient au grade, les
parements des Royal Marines et les insignes des Opérations Combinées.
L’uniforme fut complété d’un imperméable et d’un béret. Comme les vêtements
devaient montrer la patine de l’usage, Cholmondeley enfila l’uniforme et le
porta chaque jour pendant les trois mois qui suivirent.
Les sous-vêtements posaient un problème plus épineux.
Cholmondeley, on peut le comprendre, n’avait pas envie de sacrifier les siens,
car il était difficile de trouver de bons sous-vêtements dans une Angleterre
rationnée et en guerre. Ils consultèrent John Masterman, universitaire à Oxford
et président du Comité XX qui trouva une solution académique qui était
aussi personnellement satisfaisante. « La difficulté d’obtenir des sous-vêtements,
en raison du système des tickets de rationnement, écrivit Masterman, fut
résolue par l’acceptation de sous-vêtements épais reçus en cadeau et provenant
de la garde-robe du défunt Warden de New College, à Oxford. » Le major
Martin se verrait affublé du maillot de corps et du caleçon en pilou de nul
autre que H. A. L. Fisher, l’éminent historien d’Oxford, ancien
ministre de l’Éducation dans le gouvernement de Lloyd George. John Masterman et
Herbert Fisher avaient tous deux enseigné l’histoire à Oxford pendant les
années 1920 et avaient longtemps entretenu une rivalité acharnée. Fisher
était une figure à la grandeur et à la gravité pesantes qui dirigeait New
College, d’après l’un de ses collègues, tel « un énorme mausolée ».
Masterman le considérait comme un personnage verbeux et pompeux. Fisher avait
été renversé par un camion tandis qu’il se rendait au tribunal, qu’il
présidait, pour examiner les recours en appel déposés par des objecteurs de
conscience. Les nécrologies
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