Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale

Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale

Titel: Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ben Macintyre
Vom Netzwerk:
jeu des agents doubles un art à part entière. Au fil du développement et de
l’expansion du Système Double Cross, souvent, les agents qui transmettaient des
informations à l’Allemagne étaient purement fictifs : l’agent A
(réel) employait théoriquement l’agent B (fictif), qui recrutait à son
tour d’autres agents, C à Z (tous imaginaires). Ainsi, Juan Pujol, l’agent
« Garbo », le plus célèbre des agents doubles, n’avait pas moins de
vingt-sept sous-agents, ayant chacun une personnalité distincte, des amis, un
travail, des goûts personnels, un foyer et une vie affective. Son « équipe
active d’assistants imaginaires aux rôles clairement définis » formait un
ensemble plutôt bigarré. On y trouvait un suprématiste aryen gallois, un
communiste, un serveur grec, un fortuné étudiant vénézuélien, un ancien
combattant d’Afrique du Sud, ainsi que divers escrocs. Comme l’écrivait John
Masterman, président du Comité XX et auteur de romans policiers,
« L’homme-orchestre de Lisbonne se transforma en chef d’orchestre et se
mit à jouer un répertoire de plus en plus ambitieux. » Dans son roman Notre
agent à La Havane , Graham Greene qui, pendant la guerre, fut officier du
renseignement en Afrique de l’Ouest, s’inspire de la vie de l’agent Garbo et
raconte l’histoire d’un espion qui inventa tout un réseau de faux informateurs.
    Après la guerre, Masterman déclara : « Pour la
désinformation, des agents “théoriques” ou imaginaires étaient globalement
préférables » aux agents vivants. Les agents réels avaient tendance à
devenir truculents et exigeants ; ils devaient être nourris, logés,
blanchis et, par-dessus le marché, payés. Au contraire, un agent imaginaire
était malléable à l’infini et disposé à obéir sans discuter aux ordres de ses
officiers traitants allemands : « Les Allemands résistaient rarement
à un tel appât, à condition qu’il soit lancé avec précision et adresse »,
écrivit Masterman, qui était lui-même plutôt adroit quand il avait une canne à
pêche entre les mains.
    S’occuper d’une petite armée de personnages fictifs exigeait
un souci constant du détail. « Il était très difficile, écrivit Montagu,
de se souvenir des caractéristiques et des habitudes de chaque individu dans
une masse de sous-agents purement fictifs. » Ces personnages imaginaires
devaient traverser toutes les turpitudes d’une vie ordinaire, comme tomber
malade, fêter leur anniversaire et avoir des problèmes d’argent. Leur
comportement, leurs attitudes et leurs émotions devaient demeurer parfaitement
cohérents. Comme le dit Montagu, l’agent imaginaire « ne doit jamais sortir de son personnage ». Le réseau de faux agents permit au
renseignement britannique de communiquer aux Allemands un flux continu de
contre-vérités et de demi-vérités, en faisant croire à l’Abwehr que
l’organisation disposait d’un réseau d’espionnage vaste et efficace en
Grande-Bretagne, alors qu’il n’en était rien.
    Pour créer une personnalité pour le cadavre dans la morgue
de St-Pancras, il fallait déployer des efforts d’imagination sur une encore
plus vaste échelle. Dans le roman The Case of the Four Friends , le
détective de Masterman, Ernest Brendel, fait remarquer que pour être un bon
détective, il faut anticiper les moindres faits et gestes du criminel :
« Résoudre le crime avant qu’il ne soit commis, prévoir la manière dont il
va s’organiser, puis empêcher qu’il se produise ! Voilà bien une réussite
indéniable. » Avec l’aide de Masterman, Cholmondeley et Montagu semèrent
les indices d’une vie qui n’eut jamais lieu et mirent en scène une nouvelle
mort pour un homme qui l’était déjà.
    Les agents fictifs inventés jusque-là par l’équipe Double
Cross parlaient tous en leur nom, ou plutôt à travers d’autres, par le biais de
messages radio et de lettres à leurs officiers traitants, mais on ne les voyait
jamais. Dans le cas de l’opération Mincemeat, l’émissaire pouvait uniquement
communiquer par l’intermédiaire des vêtements qu’il portait, du contenu de ses
poches et, surtout, des lettres qu’il avait en sa possession. Il pouvait transporter
des lettres officielles typographiées pour transmettre l’intoxication centrale,
mais aussi des lettres personnelles manuscrites, pour donner des indications
sur sa personnalité. « Plus il paraîtrait réel, plus

Weitere Kostenlose Bücher