Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
de
façon à ce qu’il soit lu par le plus grand nombre et qu’il ait la chance
d’apporter son message de coopération à nos deux peuples.
C’est avec la plus grande admiration
et le plus vif plaisir que nous observons votre magnifique progression et nous
aimerions tous être à vos côtés.
Vous pouvez parler librement au
major Martin à ce sujet, ou autre, car il a toute ma confiance.
Bien cordialement,
Louis Mountbatten
Général Dwight Eisenhower
QG des Forces Alliées
Alger
Les deux lettres ont été écrites sur la même machine à
écrire et signées par Mountbatten en personne, à qui on a expliqué que les
lettres allaient servir pour une mission secrète. Le seul élément qui manquait
encore était l’approbation venant d’en haut.
À 10 heures 30, le matin du 13 avril, les
chefs d’état-major se rassemblaient pour leur soixante-seizième réunion.
Présidé par le chef de l’état-major général impérial, le « premier
seigneur de la mer » (First Sea Lord) et le chef de l’état-major de
l’armée de l’air, le comité comptait aussi huit hauts gradés de différents
services. Le point 10 à l’ordre du jour était l’opération Mincemeat. Les
lettres furent approuvées et le lieutenant général Sir Hastings
« Pug » Ismay fut chargé d’informer Johnnie Bevan de la décision,
ainsi que de prendre rendez-vous avec le Premier ministre pour obtenir l’accord
final et lancer officiellement l’opération. Ismay écrivit un mot à Churchill
pour l’aviser que « les chefs d’état-major avaient donné leur approbation,
soumise à votre accord, à un plan de diversion assez surprenant en relation
avec HUSKY. L’officier de contrôle pourrait-il vous voir cinq minutes ces
jours-ci pour vous expliquer de quoi il en retourne ? » La note
revint avec le message « oui jeudi à 10 heures 15 »
griffonné de la main de Churchill.
Deux jours plus tard, Bevan était assis sur le lit de
Winston Churchill pour présenter l’opération Mincemeat à un Premier ministre en
pyjama et robe de chambre qui tirait des bouffées d’un gros cigare. D’immenses
caves à vin qui avaient autrefois servi à un château en face de St James’s Park
avaient été transformées en un réseau fortifié de chambres, tunnels, bureaux et
dortoirs, dénommé Cabinet War Rooms, véritable centre névralgique de
l’effort de guerre. Au-dessus des War Rooms se trouvait l’annexe du
numéro dix, dans laquelle se trouvaient les appartements privés où Churchill
passait généralement la nuit. Le Premier ministre de l’Angleterre en guerre
avait l’habitude de travailler tard, un verre de whisky à la main, et de se lever
à une heure non moins tardive.
Bevan était arrivé à 10 heures tapantes pour la
réunion, en uniforme. « À ma grande surprise, on m’a fait entrer dans sa
chambre à coucher, dans l’annexe, où je l’ai trouvé au lit, fumant le cigare.
Il était entouré de papiers et de coffrets à cigares noir et rouge. »
Churchill adorait les plans de désinformation. Plus ils
étaient déconcertants, mieux c’était. Il se régalait avec les histoires
d’espionnage aussi sordides ou captivantes furent-elles. « Dans les hautes
sphères des services secrets, les faits bruts de nombreuses affaires valaient
par bien des aspects les inventions les plus fantastiques des romans et des
mélodrames », écrivit Churchill après la guerre.
Bevan lui tendit une feuille de papier ministre décrivant le
plan et Churchill la lut en entier. Bevan sentit qu’il devait dire quelque
chose : « Évidemment, il est possible que les Espagnols découvrent
que cet homme n’est jamais mort de noyade après une catastrophe aérienne, mais
qu’il était jardinier au pays de Galles et qu’il s’est suicidé au
désherbant. » Bevan avait laissé Montagu et Cholmondeley se charger des
détails et il se trouvait maintenant en train d’essayer d’expliquer les
symptômes d’un empoisonnement par des produits chimiques à un Premier ministre
en vêtements de nuit, et embrouillant les faits au passage. « Le
désherbant pénètre dans les poumons et est très difficile à diagnostiquer,
bluffa-t-il. Apparemment, il ne faut pas moins de trois semaines à un mois pour
découvrir la cause du décès. »
Churchill « fut très intéressé » par le plan, à
tel point que Bevan se sentit obligé de l’avertir qu’il pouvait très mal
tourner. « Je lui fis remarquer qu’il y avait
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