Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
l’Ouest de l’embouchure du rio
Tinto », Jewell devrait examiner les conditions météorologiques.
« Tout doit être fait pour choisir une période dominée par un vent venant
de la mer. » Jewell étudia les cartes et estima que « le sous-marin
pourrait probablement rapprocher suffisamment le corps de la côte pour éviter
d’avoir recours au canot pneumatique ». Cholmondeley avait initialement
envisagé de déclencher une explosion au large pour imiter un avion qui
s’écrase, mais au bout de quelques discussions « le recours à une fusée
fut abandonné ». Il n’y avait aucun intérêt à attirer inutilement
l’attention.
Sous le couvert de l’obscurité, le coffre devait être passé
par l’écoutille des torpilles « sur des glissières prévues à cet effet et
attaché au garde-corps de la plateforme de tir ». Tous les membres de
l’équipage devaient alors redescendre pour ne laisser que les officiers sur le
pont. « Le conteneur serait alors ouvert sur le pont et la neige
carbonique laisserait échapper du dioxyde de carbone. » La puanteur serait
horrible.
Montagu et Cholmondeley avaient beaucoup réfléchi à la
manière dont la mallette devait être attachée au major Martin. Personne, pas
même l’officier le plus zélé, resterait assis pendant un long vol avec une
chaîne inconfortable lui descendant du bras. « Quand le corps sera extrait
du conteneur, il ne restera plus qu’à fixer la chaîne à la mallette en passant
par la ceinture de l’imperméable qui enveloppera le corps… comme si l’officier
avait retiré la chaîne pour plus de confort dans l’avion, mais qu’il l’avait
néanmoins laissée attachée à lui pour éviter d’oublier la mallette ou qu’elle
ne glisse loin de lui. » Jewell devait décider laquelle des trois cartes
d’identité ressemblait le plus au mort et la glisser dans la poche de celui-ci.
Le corps, avec le gilet de sauvetage gonflé, devait ensuite être glissé
par-dessus bord. Le canot pneumatique gonflé devait aussi être largué et
éventuellement aussi une rame, « près du corps, mais pas trop, si
possible ». La dernière tâche de Jewell devait être de refermer
hermétiquement le coffre, de rejoindre les eaux profondes, puis de le couler.
Si, pour une raison quelconque, l’opération devait être
abandonnée, « le corps et le conteneur devaient être coulés en eaux
profondes », et, s’il était nécessaire d’ouvrir le coffrage pour y laisser
entrer de l’eau, « il fallait faire attention à ce que le corps ne
s’échappe pas ». Un message serait envoyé avec les mots :
« Annuler Mincemeat ». Si le largage se déroulait comme prévu, un
autre message devait être envoyé : « Mincemeat terminé ».
Jewell remarqua que deux officiers des services secrets
paraissaient profondément impliqués dans le projet et qu’ils avaient
apparemment « pris du plaisir à échafauder un personnage ». Avant que
la réunion ne se termine, Montagu demanda au jeune sous-marinier s’il voulait
contribuer, d’une modeste façon, à « créer une vie pour le major des
Marines ». Il manquait encore un billet d’entrée dans un night-club dans
le portefeuille du mort. Le lieutenant Jewell aurait-il l’obligeance de passer
une nuit en ville, puis d’en envoyer la preuve ? « J’ai eu le plaisir
de faire la tournée des night-clubs de Londres à ses frais », témoigne
Jewell. « J’ai passé un excellent moment. »
Pendant que Jewell repartait vers le Nord avec ses nouveaux
ordres de mission et une légère gueule de bois, un autre télégramme fut envoyé
au général Eisenhower, à Alger. « Mincemeat largue les amarres le 19 avril
et l’opération aura probablement lieu le 28 avril, mais elle pourrait être
annulée, si nécessaire, à tout moment, jusqu’au 26 avril inclus. »
Si tout se déroulait comme prévu, le major Martin devrait
s’échouer en Espagne le 28 avril, ou peu après, où une réception
extraordinaire était préparée pour lui par le capitaine Alan Hugh Hillgarth,
attaché naval à Madrid, espion, ancien chercheur d’or et, sans doute
inévitablement, romancier à succès.
11
Le chercheur d’or
Les six romans d’Alan Hillgarth sont emprunts de la
nostalgie de l’âge d’or de la valeur personnelle, de la chevalerie et de
l’autosuffisance. « Jadis, l’aventure était une appellation noble, arborée
fièrement par des hommes comme Raleigh et Drake »,
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