Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
écrivit-il dans The
War Maker , mais aujourd’hui « elle est réservée aux membres les mieux
vêtus des classes criminelles ». La vie de Hillgarth semblait elle aussi
tout droit sortie du Boy’s Own Paper ou des romans de Rider Haggard.
Fils d’un chirurgien spécialisé dans la sphère ORL,
Hillgarth entra au Royal Naval College à l’âge de treize ans. Il fit la
Première Guerre mondiale en tant qu’aspirant, alors qu’il n’avait encore que
quatorze ans (sa première mission consista à assister le médecin de bord,
pendant la bataille de Heligoland, en jetant les membres amputés par-dessus
bord) et embrocha son premier Turc, à la baïonnette, avant son seizième
anniversaire. À Gallipoli, il se retrouva à la tête du débarquement, car tous
les officiers s’étaient fait tuer. Il fut blessé à la tête et à la jambe et
profita de sa convalescence pour apprendre des langues étrangères et cultiver
sa passion pour la littérature. Hillgarth était petit et fougueux, avec d’épais
sourcils broussailleux et une énergie inépuisable. Il « était aussi
dendrophile : il aimait les arbres et était le plus heureux des hommes
quand il était dans la forêt ou dans la jungle.
En 1927, Evelyn Waugh se souvient de sa première rencontre
avec « un jeune homme qui s’appelait Alan Hillgarth, très sûr de lui, qui
écrit des récits à sensation, un ancien marin ». À cette époque, Hillgarth
avait débuté une deuxième carrière en tant qu’écrivain, une troisième en tant
que conseiller auprès de la Légion étrangère espagnole pendant le soulèvement
des tribus du Rif, au Maroc, et une quatrième en tant que « Messager du
Roi », acheminant des messages confidentiels pour le compte du
gouvernement. Mais ce fut la cinquième carrière de Hillgarth, en tant que
chasseur de trésors, qui définit le reste de sa vie et la prochaine étape de
l’opération Mincemeat.
En 1928, Hillgarth rencontra le D r Edgar
Sanders, un aventurier suisse né en Russie et vivant à Londres, qui lui raconta
une histoire étrange. Sanders avait voyagé en Bolivie en 1924, attiré par la
légende d’un énorme tas d’or, le trésor de Sacambaya, extrait par les Jésuites
et caché avant qu’ils ne soient chassés d’Amérique latine au XVIII e siècle.
Sanders montra à Hillgarth un document qui lui avait été remis par un récoltant
de latex, vétéran de la guerre des Boers, qui affirmait l’avoir reçu de la
famille d’un vieux Jésuite. Le document identifiait la cachette de l’or dans un
dédale de grottes souterraines « que cinq cents hommes mirent deux ans et
demi à creuser ».
Sanders affirmait avoir trouvé le site parmi les ruines
d’une ancienne colonie jésuite au plus profond de la cordillère de Quimsa Cruz,
dans les Andes orientales.
Sanders était un « homme carré avec des pommettes
remarquablement hautes et des yeux gris ardoise au regard dur », qui
menait une quête fanatique et qui était profondément convaincant. Il pensait
que les Jésuites avaient créé la grotte souterraine en creusant un tunnel
depuis la rive du fleuve. Mais depuis, le niveau de la nappe phréatique était
monté : pour atteindre l’entrée, il fallait des grosses pompes, de
l’équipement d’excavation, beaucoup d’argent et beaucoup de sueur. Sanders
invita Hillgarth à se joindre à lui dans ce qui promettait d’être la plus
grande chasse au trésor de tous les temps. Hillgarth, alors âgé de vingt ans,
accepta sans hésiter.
La Compagnie d’exploration de Sacambaya fut créée. À la
veille du Grand Crack, les rêves rapportaient de l’argent et les investisseurs
affluèrent pour un projet promettant un rendement de 48 000 pour cent.
Hillgarth et Sanders entreprirent de recruter « des
hommes qui avaient une considérable expérience des conditions
difficiles », qui étaient décrites en détail. « Sacambaya est un
endroit empoisonné, une vallée sombre et sale, encerclée de montagnes qui
grimpent presque immédiatement à plus de mille mètres. C’est soit très sec,
soit inondé. Il y fait généralement très chaud, le jour, et il gèle presque la
nuit. C’est envahi d’insectes, de puces, de mouches, de fourmis, de moustiques,
de phlébotomes, de crotales et autres serpents. Chez les Indiens, ce lieu est
réputé pour être un foyer de malaria. On y trouve des putois. » Il y avait
aussi des bandits, aucune certitude quant au succès de l’opération et une
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