Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
forte
probabilité de trouver la mort. Mais, à cette époque, Shackleton et Scott
étaient révérés comme des héros. Vingt-trois hommes furent choisis en fonction
de leur expertise, de leur résistance et de leur capacité de divertissement,
dont un photographe, un médecin, un mineur serbe et un ingénieur américain qui
se nommait Julius Nolte.
Le 1 er mars 1928, l’expédition mit les
voiles depuis Liverpool pour la première étape d’un voyage de
9 000 miles depuis l’Angleterre jusqu’à Sacambaya. Les quarante
tonnes d’équipements entassés dans la soute comprenaient des tracteurs Morris à
six roues, quatre gros compresseurs pour alimenter les monte-charges
pneumatiques, des pioches, des pelles et des foreuses, deux pompes, six grues,
un moteur à essence, des winches, des groupes électrogènes, des forges, des tentes,
des moustiquaires et une scie circulaire pour couper du bois pour la voie de
chemin de fer qui devra être construite à l’arrivée. En plus du matériel
médical habituel, le D r P. B. P. Mellows, de
l’hôpital de St-Bartholomew, apporta 28 000 comprimés de quinine pour
lutter contre la malaria et 5 000 aspirines. Hillgarth acheta vingt
carabines et vingt pistolets automatiques, quatre fusils, deux carabines
automatiques et assez de munitions pour une petite guerre.
À partir du port d’Arica, au Chili, l’expédition affréta un
train pour parcourir les 530 kilomètres jusqu’à La Paz, puis continua vers
le Sud, jusqu’à une gare nommée Eucalyptus, où la voie s’arrêtait. De là, la
route, où ce qui y ressemblait, allait jusqu’à Pongo, une cité minière borgne
construite pour desservir les mines Guggenheim et dirigée par une formidable
Américaine nommée Alicia O’Reardon Overbeck, que l’équipe surnommait
« Mrs Starbird ». Sacambaya était encore à soixante-dix
kilomètres par une piste en partie emportée par les pluies. Le plus dur allait
commencer. Le petit matériel fut emballé par lots de 200 kilos et chargé
sur des mules récalcitrantes, tandis que les plus gros éléments, comme les
compresseurs qui pesaient chacun une tonne et demie, furent charriés sur les
pistes de montagne à la force du poignet et des bœufs.
« L’entreprise n’était pas facile », dit
Hillgarth, et c’était un euphémisme. À certains endroits, la piste avait dû
être reconstruite, taillée dans la roche. À d’autres, les lourdes machines
avaient dû être descendues par un système de palans. Un compresseur, deux bœufs
et plusieurs hommes basculèrent dans le vide et n’eurent la vie sauve que parce
qu’ils tombèrent dans des arbres dix mètres en contrebas. Hillgarth, avec cinq
hommes blancs et vingt Indiens, parvint à transférer tout l’équipement à
Sacambaya en cinq semaines et quatre jours. Les pertes s’élevèrent à « une
caisse contenant cent kilos de macaroni ».
C’était la dernière bonne nouvelle.
Armée de technologie moderne et d’un vieux document, la
Compagnie d’exploration de Sacambaya entreprit de se frayer un chemin de
« trente mètres dans la montagne » à coups de pioches, de pelles, de
pompes et d’explosifs, à la poursuite de l’or des Jésuites. Dix heures par
jour, six jours par semaine, de juin à octobre, les hommes tailladèrent la
montagne. Quelque 37 000 tonnes de roche furent extraites pour
creuser un énorme trou.
Les conditions de vie à Sacambaya étaient aussi mauvaises
qu’annoncées. En quelques semaines, les trois quarts des hommes avaient des
chiques – de petits vers qui creusent le talon. « L’absence complète
de fruits frais et de légumes de notre diététique [sic] avait entraîné une
constipation chronique, mais une vaste palette de purges variant en pouvoirs
propulsifs furent prévues pour tous les goûts », raconta le D r Mellows
jovial. Les mules et les bœufs furent la cible de chauves-souris vampires, qui
ne disaient pas non au sang humain si elles pouvaient en obtenir. « L’un
de nos compagnons se réveilla une nuit et fut surpris de voir une chauve-souris
vampire qui déchirait sa moustiquaire. » Mellows identifia une nouvelle
maladie, qu’il nomma sacambayaïte : « claustrophobie
occasionnée par l’enfermement pendant des mois dans une vallée malsaine coincée
entre de hautes montagnes à travailler dur et en suivant un régime qui variait
peu, sans divertissement, en vivant dans la peur constante d’une attaque
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