Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
de
bandits. »
Alan Hillgarth était le seul membre de l’équipe à être
immunisé contre la sacambayaïte. Sur les photographies de l’expédition, on peut
voir son visage frais et heureux, en train de creuser, sourire aux lèvres,
portant toujours la cravate, même lorsqu’on le voit assister à l’exécution
d’une appendicectomie sur un collègue.
Ce n’était ni les chiques, ni la claustrophobie, ni la
constipation, ni les chauves-souris, ni les bandits qui finirent par provoquer
la perte de la compagnie d’exploration de Sacambaya, mais l’eau. Elle tombait
du ciel à seaux et remontait du sol en formant des bulles, remplissant le
moindre trou à peine creusé, malgré les efforts haletants des pompes.
Finalement, même Hillgarth dut admettre sa défaite, même s’il était persuadé
que la grotte n’était plus qu’à cinq mètres.
L’expédition fut un désastre complet. La compagnie fut
démantelée de manière spectaculaire. Deux des équipes se dirigèrent vers
l’intérieur du pays et on ne les revit jamais. L’ingénieur en chef resta à
Pongo. « Il est tombé éperdument amoureux de Mrs Starbird et n’a
apparemment aucune intention de partir. Le mineur serbe fut empoisonné à La
Paz, « soit par les gens de l’hôtel, soit par la police ».
Sanders fut enfermé dans une prison bolivienne. Quelques
mois plus tôt, il s’était rendu compte que la police bolivienne interceptait
son courrier. Il écrivit alors une fausse lettre mentionnant une cargaison de
gaz moutarde, pour voir si cela les forcerait à se démasquer. Les autorités
boliviennes prirent les informations au pied de la lettre et Sanders fut accusé
de préparer un coup d’État contre le gouvernement bolivien. Il fut inculpé pour
avoir fait entrer illégalement des armes dans le pays, dont cinquante
mitraillettes et 100 tonnes de gaz asphyxiant.
Hillgarth rentra en Angleterre pour affronter la colère de
ses investisseurs, réalisant qu’il avait été complètement dupé. Il apparut que
les documents de Sanders étaient des faux. Ils n’avaient pas été écrits par un
Espagnol, car ils contenaient de nombreuses fautes grammaticales et des idiomes
anglais traduits tels quels en espagnol.
La débâcle de Sacambaya avait été une expérience salutaire.
Un immense trou dans la jungle bolivienne témoigne de l’absurdité héroïque de
cette réalisation, mais c’était aussi une leçon que Hillgarth n’était pas prêt
d’oublier : des personnes intelligentes par ailleurs pouvaient être
persuadées de croire aveuglément à ce qu’elles voulaient croire. Il suffisait
de quelques documents, falsifiés avec soin, et d’une forte crédulité de la part
du lecteur. Le voyage à Sacambaya est à la base du cinquième roman de
Hillgarth, celui qui connut le plus vif succès, The Black Mountain , publié
en 1933 et encensé par Graham Greene notamment.
À cette époque, devenu vice-consul honoraire de
Grande-Bretagne, puis consul, à Palma, Hillgarth s’était installé à Majorque,
avec sa femme Mary et leurs trois enfants. Au même moment, « il faisait
aussi l’espion ». À la veille de la Guerre civile espagnole, Winston
Churchill rencontra Hillgarth à Majorque, alors qu’il partait en vacances à
Marrakech. Ils s’entendirent à merveille. Quand Clementine Churchill se
plaignit de l’odeur des canalisations à leur hôtel, Hillgarth invita les
Churchill à s’installer dans sa pittoresque villa, Son Torella.
Hillgarth joua un rôle crucial en tant qu’intermédiaire
pendant la Guerre civile espagnole, participant à l’organisation des échanges
de prisonniers entre les deux camps et parvenant à assurer la capitulation de
Minorque face aux troupes de Franco, en 1939, sans qu’une goutte de sang ne fût
versée. Le commandant des forces nationalistes aux Baléares était le
contre-amiral Salvador Moreno Fernández, et c’est par son intermédiaire que
Hillgarth permit aux troupes républicaines de quitter l’île en évitant, d’après
Hillgarth, « un intense bombardement qui aurait pu causer quelque
20 000 morts ». Les négociations prolongées de Hillgarth avec
Moreno, un politicien convivial et subtil, marquèrent le début d’un partenariat
fructueux. Quand le capitaine John Godfrey du HMS Repulse voulut faire
escale à Barcelone, c’est Hillgarth qui assura, par le biais de ses contacts
dans le gouvernement de Franco, que le navire britannique ne soit pas la
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