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Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale

Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale

Titel: Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ben Macintyre
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fortune
dans le tabac, il travailla pour les renseignements britanniques pendant la
Première Guerre mondiale, participa au financement de la rébellion de Franco en
1936 et acheta douze bombardiers pour Mussolini. Il était petit, mince, cupide,
intelligent, sans aucune morale et monstrueusement tordu. March considérait la
corruption comme allant de soi et l’utilisait en toute simplicité. Il avait été
emprisonné pour corruption, il avait fui en France et, en 1939, il était
l’homme le plus riche, et le plus louche d’Espagne, surnommé « le dernier
pirate de Méditerranée », à la tête d’une fortune qui avait des intérêts
dans la marine marchande, le pétrole, la banque et la presse. « Ce serait
une erreur que de lui faire ne serait-ce qu’un peu confiance », rapporta
Hillgarth gaillardement. Mais March était disposé à défendre l’Angleterre et
c’était tout ce qui importait à Hillgarth : « Il a déjà fait exécuter
deux agents allemands à Iviza [Ibiza], même si je ne lui ai rien
demandé… » March était l’intermédiaire idéal pour soudoyer les généraux.
L’argent ne porterait pas d’empreintes britanniques et s’il transpirait que
March était impliqué, personne ne serait le moins du monde surpris.
    Dans la première phase du plan, avec l’approbation de
Churchill, dix millions de dollars furent débloqués par le Trésor et déposés
dans une banque suisse à New York. De là, des généraux espagnols triés sur le
volet étaient invités à procéder à des retraits, en pesetas, la somme devant
être remboursée après la guerre. Quelques deux millions de dollars auraient été
acheminés ainsi au général Antonio Aranda Mata, qui aurait repris l’armée en
cas de défaillance de Franco. Le général Luis Orgaz y Yaldi, commandant du
Maroc espagnol, comptait aussi parmi les heureux bénéficiaires. (Orgaz était
rémunéré par les deux camps : l’Abwehr lui avait promis « une voiture
amphibie ».) Il est probable que l’amiral Moreno, l’homme qui négocia la
reddition de Minorque avec Hillgarth et qui, entre-temps, avait été promu
ministre de la Marine dans le gouvernement de Franco, était aussi sur sa liste
de bénéficiaires. L’amiral s’était longtemps opposé à la prise de partie de
l’Espagne dans la guerre : il tenait Hillgarth au courant des changements
d’humeur dans les cercles du gouvernement franquiste, le rassurant sur le fait
que si l’Allemagne envahissait l’Espagne, il y aurait un soulèvement général :
« Il n’y aura pas un Espagnol qui ne voudra pas se battre en cas
d’invasion allemande », dit-il à Hillgarth.
    Hillgarth déversait de l’argent dans les poches des
officiers sympathiques. « La cavalerie de St-George a chargé », nota
Hugh Dalton, chef du SOE et ministre du Commerce. C’était une référence à
l’image de St-George tuant le dragon sur le souverain d’or britannique. En
septembre 1941, le plan arriva dans une impasse. Le compte suisse à New
York fut fermé dans le cadre du gel américain des actifs européens, mais
Hillgarth avait un besoin urgent du renfort de la cavalerie de St-George.
« Nous ne devons pas les perdre maintenant, après tout ce que nous avons
dépensé – et gagné », écrivit Churchill, qui envoya un appel urgent via Henry Morgenthau, le secrétaire américain au Trésor, à Roosevelt, le pressant
de dégeler le compte à New York. Le robinet s’ouvrit à nouveau. Il n’y a pas de
preuve tangible que Roosevelt approuva cette campagne de corruption et de
subversion mais, comme le fait remarquer l’historien David Stafford, « on
peut supposer en toute quiétude qu’il approuvait ».
    La corruption continua jusqu’en 1943, mais reste à savoir si
la « cavalerie de St-George » obtint un quelconque résultat. De
nombreux officiers espagnols étaient réticents à se trouver mêlés à la guerre
et étaient naturellement opposés aux fascistes, par crainte que « la
victoire allemande signifie la servitude de l’Espagne et la fin des libertés
individuelles si chères aux Espagnols ». Hillgarth lui-même reconnaissait,
avec la généralisation tant appréciée de certains Anglais, que
« l’Espagnol est xénophobe et soupçonneux et préfère se tenir à l’écart
des querelles d’autrui ». L’argent n’a peut-être fait qu’enrichir les
généraux – et rendu Juan March encore plus riche –, mais il a
certainement servi à réaffirmer

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