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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qu’elle allait s’abandonner.
    Je l’ai appelée Aïcha et lui ai proposé de fuir avec moi. Nous quitterions l’Espagne. Nous gagnerions la France. Nous vivrions au Castellaras de la Tour. Nous oublierions le monde. Nous chevaucherions et chasserions sur nos terres, de Thorenc à Andon, de Cabris jusqu’aux falaises qui dominent la vallée de la Siagne.
    Je me suis interrompu.
    J’ai revu la Grande Forteresse de Mons.
    J’ai pensé à Mathilde, à Dragut.
    Aïcha m’a repoussé, me répétant qu’il me fallait partir aussitôt, traverser Grenade et remonter la vallée du río Darro afin d’être déjà sur la route de Linares quand le jour se lèverait.
    — Juan Mora est un bon guide. Il sait tuer quand il faut, a-t-elle dit.
    J’ai tenté de la prendre par les épaules. J’ai répété qu’il lui fallait quitter Grenade, l’Espagne, et venir avec moi.
    Juan Mora était déjà en selle.
    — Va ton chemin, a murmuré Aïcha. Si Allah le veut, nos routes se croiseront à nouveau. Mais tu es chrétien…
    Elle a ri.
    — Moi aussi.
    Elle m’a embrassé.
    — Mais tu m’as appelée Aïcha. Tu sais donc qui je suis. Va !
    Jusqu’à ces pages que je viens d’écrire et dans lesquelles j’ai voulu rester fidèle à ce que j’ai vécu, je n’ai plus jamais donné à Aïcha son nom de baptême.
    Lela Marien n’était qu’un masque et un mensonge.
    Dans mon souvenir, Aïcha est la Mauresque intrépide qui brandit un grand sabre courbe pour trancher la tête d’un rat ou d’un chrétien.
    Mais, évoquant ainsi la combattante et la rebelle, l’ennemie, je devance le cours des événements et de ma vie…
    Je galopais encore sur la route aux côtés de Juan Mora. Le vent était si vif, si hostile que j’étais couché sur l’encolure de mon cheval, agrippé à sa crinière. J’étais tenté de ralentir l’allure, de mettre pied à terre. Je rêvais d’ouvrir les mains au-dessus d’un feu. Mais Juan Mora, lorsque je lui avais crié que je désirais faire halte, m’avait lancé un regard méprisant et, d’un coup de talon, avait fait bondir son cheval. Je l’avais suivi.
    Nous avons traversé les sierras et les fleuves, contournant les villes de Linares, de Ciudad Real et de Tolède. Nous couchions dans des grottes dont Juan Mora savait retrouver le chemin entre buissons et rochers. Nous dormions pelotonnés l’un contre l’autre. Juan Mora rabattait le capuchon de sa houppelande sur son visage comme pour m’avertir qu’il ne répondrait à aucune de mes questions.
    Les premières nuits, je lui avais parlé d’Aïcha, l’interrogeant sur cette famille de Thagri, si puissante, si riche et si noble. Comment leur descendante était-elle devenue cette Lela Marien, femme de plaisir d’un don Garcia de Cordoza, vieillard aux joues grises ?
    Les lèvres serrées, Juan Mora avait paru ne pas m’entendre. Pourtant, une expression de colère durcissait ses traits.
    Je l’ai dévisagé. Des rides qui étaient peut-être des cicatrices traçaient de profonds sillons de ses tempes à sa bouche. Une courte barbe noire et drue affinait son visage.
    Appartenait-il lui-même au clan des Thagri ?
    Quand je l’eus vu plusieurs fois par jour sauter de cheval, s’éloigner de quelques pas du bord de la route, puis s’accroupir et s’incliner en direction du sud pour prier son Dieu, j’ai compris que son nom de Juan Mora était lui aussi un masque.
    Et, une fois encore, je me suis souvenu des propos de Robert de Buisson. Peut-être tous les Maures d’Andalousie étaient-ils restés fidèles à leur foi ? Peut-être un jour ce feu qui couvait embraserait-il l’ancien royaume musulman ?
    J’ai dit à Juan Mora alors que nous marchions au pas, gravissant sous une bourrasque de neige la sierra de Guadarrama :
    — Tu aspires à chasser les Espagnols. Tu n’es pas chrétien. Tu te caches derrière ce nom jusqu’au jour où tu pourras les égorger.
    Nous étions parvenus au sommet du col. Il a tendu le bras et j’ai aperçu à l’horizon, là où confluent les rivières Esgueva et Pisuerga, les murailles de Valladolid.
    Le vent était tombé quand nous franchîmes les portes de la ville.
    Une foule bruyante se pressait dans les rues pavées entre les façades ornées de statues et de mosaïques. Cavaliers et voitures se frayaient difficilement un passage parmi les étals des marchands.
    Nous avons mis pied à terre, tenant nos chevaux par les rênes pour traverser les places.
    Cette ville

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