Par ce signe tu vaincras
visage mais laissait mes épaules et mon dos en proie au froid.
Il fallait, a-t-il repris, nettoyer les royaumes chrétiens, des terres de l’empire aux rives de la Méditerranée, de la vermine huguenote – protestante, calviniste, luthérienne, peu importait le nom dont elle se parait. Tous ces « mal-sentants de la foi » étaient les alliés des infidèles, et ceux-ci devaient être repoussés dans les grands déserts de l’extrémité du monde d’où ils avaient surgi, telles des nuées de sauterelles.
La Reconquista n’était pas achevée. Il fallait prendre Alger et Tunis, délivrer, comme Charles Quint l’avait fait des années auparavant, les esclaves chrétiens qui s’y trouvaient enchaînés, et agir de même à Constantinople et à Jérusalem.
Pour un catholique, c’était le seul devoir auquel se vouer.
Sarmiento s’est levé, la main posée sur le pommeau de son épée. Il a fait quelques pas qui résonnèrent dans la pièce aux murs de pierre.
Je l’ai suivi des yeux alors que l’obscurité enveloppait sa puissante silhouette noire.
Il est revenu vers moi.
— Bernard de Thorenc, a-t-il dit d’une voix solennelle, tu es au régent d’Espagne, notre Philippe. Tu es à son père, l’empereur du Saint Empire romain germanique, notre Charles Quint. Tu es à eux parce qu’ils sont les légitimes souverains catholiques, qu’ils sont les chevaliers de la Foi du Christ et qu’ils veulent rétablir d’un bout à l’autre du monde la Sainte Monarchie universelle.
J’étais ému. La conviction et l’énergie de Sarmiento m’entraînaient.
Oui, je voulais être l’un des soldats de cette croisade.
J’ai dit que j’avais fait serment de combattre les infidèles afin de libérer mes compagnons de chiourme et de bagne que j’avais vu supplicier par les bourreaux de Dragut-le-Cruel.
Et je voulais racheter ceux qu’il avait corrompus.
J’ai murmuré le nom de Mathilde de Mons.
J’ai ajouté que je voulais effacer la trahison de ceux des miens qui avaient servi les rois de France, alliés des infidèles.
Sarmiento a souri, méprisant.
— Les rois de France sont comme des voiles : c’est le vent le plus fort qui les tend et les gonfle.
Il m’a pris le bras et m’a guidé par les couloirs du Palacio.
Nous avons traversé de grandes salles aux murs desquelles étaient accrochés des crucifix, des armes et des tapisseries. Dans la pénombre, les meubles de bois noir ressemblaient à des rochers massifs. Je devinais de grands tableaux aux cadres dorés.
— Le comte Rodrigo de Cabezón, ambassadeur d’Espagne auprès du roi de France, nous écrit qu’Henri II se veut un bon catholique. Son épouse Catherine est nièce du pape. Elle navigue avec l’habileté d’un vieux marin. Elle voudrait marier l’une de ses filles à notre roi Philippe. Mais l’empereur a choisi pour Philippe la reine d’Angleterre, et, lorsque ce mariage sera conclu, la France, enserrée entre nos mâchoires, devra bien se soumettre.
Sarmiento s’est arrêté et m’a fait face.
— Sais-tu qui est ici auprès de moi ? Enguerrand de Mons, le frère de cette renégate. Il n’est pas le seul noble français à avoir choisi de servir le roi et l’empereur catholiques. S’ils veulent conserver leur trône, Henri II et Catherine doivent aller là où souffle le vent. Et nous sommes le vent !
Il m’a invité à le suivre, me racontant que, d’après le comte Rodrigo de Cabezón, Henri II, irrité par les conciliabules et les conspirations des « mal-sentants de la foi », s’était emporté : « Je jure que si je parviens à régler mes affaires extérieures, avait-il confié à l’ambassadeur, je ferai courir par les rues le sang et les têtes de cette infâme canaille luthérienne ! »
— Nous l’aiderons à régler ses affaires extérieures, a ajouté Diego de Sarmiento. Et même nous lui prêterons quelques-uns de nos soldats et de nos inquisiteurs pour qu’il en finisse avec ses huguenots.
Le ton de sa voix était tranchant comme une lame affilée. Il me glaça lorsqu’il ajouta que, selon Cabezón, le comte Louis de Thorenc, son fils Guillaume et sa fille Isabelle avaient rejoint les rangs de ces nobles protestants qui, autour de l’amiral de Coligny, du prince de Condé, de bien d’autres, avaient rompu avec la foi catholique et se proclamaient réformés.
De son bras Sarmiento m’a enveloppé l’épaule.
Toutes les lignées, a-t-il ajouté, même les
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