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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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espagnols.
    Elle appuyait sa paume sur mes lèvres, les écrasait.
    — Sois d’abord de ton pays, de ta famille, disait-elle. Les Espagnols n’aiment pas les gens du roi de France. Don Garcia te hait. Il te gardera prisonnier, puis il te fera étrangler ou empoisonner parce que tu es du royaume de France et que je t’ai choisi. Il fait exécuter tous les hommes que je choisis. Moi, je lui donne trop de plaisir pour qu’il me tue.
    Elle tendait et courbait son corps comme un arc, en équilibre sur la pointe de ses pieds et le bout de ses doigts, jambes légèrement écartées, et je devinais sa fente rouge aux lèvres presque noires.
    — Je peux tout faire avec mon corps, disait-elle, un peu haletante. Il le sait. Il ne peut renoncer à moi. Il me voudrait son esclave, mais personne ne peut être mon maître.
    Elle me fixait et c’était comme si son regard bleu et blanc me terrassait, m’enchaînait.
    Elle murmurait :
    — Les Espagnols ont peur. Don Garcia Luis de Cordoza a peur de moi. Il sait que je n’oublie pas que je suis Aïcha, descendante des Thagri. Les miens ont possédé plus de terres et de palais, plus de moutons que les rois de Cordoue et de Grenade. Crois-tu que je puisse l’oublier parce que l’on m’a baptisée du nom de Lela Marien ? Je suis mauresque et tous, ici, nous le sommes restés. Un jour, Allah, si nous Lui sommes fidèles, Se souviendra que cette terre est nôtre, et II nous la rendra. Et l’Alhambra et nos mosquées seront de nouveau à nous.
    Elle posait sa paume sur ma poitrine.
    — Toi, tu n’es pas espagnol. Il faut que tu quittes Grenade avant que ce goret de capitaine général te fasse tuer.
    Ses doigts ont voleté sur ma peau. J’ai frissonné. Elle s’est allongée contre moi.
    — Tu te souviendras d’Aïcha, a-t-elle murmuré.

25.
    Une nuit de mars, alors que les rats, comme pris de folie, couraient et sautaient d’un mur du réduit à l’autre, s’accrochant à mes bottes alors que j’essayais de les frapper – j’avais l’impression de soutenir un siège contre cette troupe grouillante qui montait à l’assaut de ma couche et m’eût submergé si j’avais cessé un instant de combattre –, Lela Marien a ouvert la porte.
    La lumière blanche de la nuit ventée a envahi le réduit.
    Les rats se sont immobilisés, formes noires serrées les unes contre les autres sur le sol.
    Lela Marien a fait un pas et, tout à coup, la vermine en couinant a disparu, s’enfonçant entre les pierres des murs.
    Je me suis levé.
    — Il ne reviendra pas avant plusieurs semaines, a dit Lela Marien en me prenant la main. Il faut partir dès cette nuit.
    J’ai pris mes bottes. Énorme, un rat est sorti de l’une d’elles, me fixant de ses yeux rouges.
    Il y a eu un sifflement, un coup sourd ; il gisait à présent, la tête tranchée.
    J’ai vu le sabre recourbé que tenait Lela Marien.
    Elle m’a entraîné hors du réduit.
    Je n’ai oublié aucun moment, aucun mot de cette nuit-là.
    Nous marchons côte à côte dans les corridors déserts du Presidio. On n’entend que le vent qui tourbillonne, balayant les cours, ployant les arbres des patios, s’engouffrant sous les porches. Il est si glacé, après avoir coulé le long des vallées du río Darro et du río Genil depuis les sierras enneigées, qu’il taillade les joues et les lèvres, écorche les mains.
    Nous descendons quelques marches, avançons sous une voûte basse, guidés par un homme qui porte une torche. Des ailes me frôlent, des rats se faufilent et bondissent. Et tout à coup le ciel constellé, la rumeur d’une rivière.
    Nous sommes sur la berge du río Genil. Je reconnais les arches du Puerte Verde que nous avons franchi lorsque nous sommes entrés dans Grenade en compagnie de Michele Spriano et du père Fernando. Je porte la main à ma poitrine pour m’assurer que La Divine n’a pas glissé, que le livre est resté entre ma chemise et ma peau.
    Le vent est si fort que nous devons marcher courbés jusqu’aux chevaux que tient un autre homme.
    — C’est Juan Mora, dit Lela Marien. Il ne te quittera que si tu le lui demandes.
    Elle me tend une bourse. Le geste est si déterminé, sa voix si résolue que je l’accepte sans mot dire.
    — Tu seras à Valladolid avant que don Garcia ait regagné Grenade. Si Diego de Sarmiento est vraiment ton ami, le capitaine général ne pourra plus rien contre toi.
    J’ai voulu enlacer Lela Marien. J’ai senti son hésitation. J’ai cru

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