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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de Philippe le régent et de son fils don Carlos.
    Sarmiento me chuchota que cet enfant de neuf ans, héritier du trône d’Espagne, petit-fils de Charles Quint, était une pauvre marionnette folle qui souvent se roulait sur le sol, désarticulée, hurlant, frappant sa grosse tête ridée comme celle d’un vieillard contre les pierres, et bavant comme un animal furieux dont il n’avait pas même la force, boiteux, bossu, idiot, si laid qu’on osait à peine le regarder – telle était la croix que portait notre régent, notre Philippe.
    Nous avons quitté Valladolid pour regagner La Corogne où nous attendait une flotte de cent vingt-cinq navires.
    Depuis des semaines, dans le Palacio de Valladolid, il n’était pas un noble de Castille ou d’Aragon qui n’intriguât pour être de ce voyage, se rendre à Londres assister au mariage de Philippe et de la reine d’Angleterre, Marie Tudor.
    J’ai pu mesurer en l’occurrence le pouvoir du comte Diego de Sarmiento.
    Dès le lendemain de mon arrivée à Valladolid, il m’avait dit que je devrais toujours marcher à ses côtés.
    — Je n’ai ni fils ni frère, avait-il ajouté. Tu seras et l’un et l’autre.
    Et j’avais commencé d’entrer à ses côtés dans les salons des Palacios de Valladolid, ceux de la Plaza Mayor, de la Plaza del Ochavo, de la Plaza del Fuento Dorado.
    Les nobles étaient tous vêtus de noir, leur pourpoint rehaussé par des colliers d’or. Leurs têtes brunes semblaient juste posées sur les collerettes de dentelle blanche.
    Ils s’inclinaient devant Sarmiento, le sollicitaient. Ils voulaient faire partie de ceux – quelques centaines – qui accompagneraient Philippe et embarqueraient avec lui sur l’un des cent vingt-cinq navires qui cinglaient vers l’Angleterre.
    Sarmiento écoutait distraitement tout en regardant les femmes.
    Souvent il se dirigeait vers l’une d’elles : ainsi Efrusia de Guzmán, ou cette jeune fille d’à peine treize ans, Anna de Mendoza délia Cerda, la plus riche héritière d’Espagne, dont l’œil gauche était couvert d’un bandeau noir. Elle l’avait perdu au cours d’une leçon d’escrime ou d’un duel, mais le droit flamboyait et, lorsque son regard s’était arrêté sur moi, j’avais baissé la tête, troublé par son insolence, presque de l’impudeur.
    Sarmiento, me prenant le bras, m’avait chuchoté de sa voix rauque :
    — Anna Mendoza délia Cerda est d’abord à Philippe, puis à moi, puis à Ruy Gomez auquel Philippe l’a promise, parce que Gomez a négocié à Londres le contrat de mariage avec cette reine vieille et grise, sans cheveux, sans sourcils, et qui doit sentir mauvais, cette Marie Tudor que notre Philippe va devoir mettre au lit. Dieu lui en donne la force ! Mais il l’a, il l’a…
    J’entendais les murmures. Je surprenais les confidences de Ruy Gomez qui arrivait de Londres, si fier d’avoir accompli sa mission.
    — La reine Marie, qui n’a jamais approché un mâle, craint que notre souverain ne soit trop impétueux. Elle a peur des taureaux espagnols ! À trente-sept ans, elle est sèche comme un arbre qui n’a jamais donné de fruits, un figuier qui n’a jamais reçu de pluie. Et, en même temps, elle a si soif…
    On assurait que Charles Quint avait écrit à son fils pour lui demander de « montrer beaucoup d’amour et de joie à la reine ».
    Il y avait des rires étouffés et on lisait de la malice dans les yeux de ceux qui décrivaient Marie Tudor et rapportaient les propos de l’Empereur. On se tournait vers dona Isabel Osorio, la maîtresse de Philippe, et on murmurait qu’elle serait peut-être du voyage, à moins qu’elle ne se retirât dans un couvent, comme tant d’autres des femmes que Philippe avaient honorées.
    J’écoutais, je regardais, j’apprenais. J’avais cru, Seigneur, que j’allais brandir le glaive contre Vos ennemis, à Votre service, et jour après jour je découvrais cet entrelacs d’intrigues, de jalousies, de corruption et de fornication qu’est le gouvernement des hommes. Où étais-je ?
    Je logeais dans l’une des tours du Palacio. Juan Mora dormait devant la porte de ma chambre, couché à même le sol, enveloppé dans sa houppelande.
    Quelques jours seulement après notre arrivée à Valladolid, j’ai été réveillé un matin par des cris étouffés, un bruit de lutte. J’ai ouvert la porte. Sarmiento était debout, bras croisés. Les trois gardes qui ne le quittaient jamais et dont je

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