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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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n’osais même pas croiser le regard, tant il y avait de violence et de cruauté dans leurs yeux, maintenaient Juan Mora agenouillé et l’un d’eux avait plaqué la lame d’un poignard contre sa gorge.
    — Il m’a guidé depuis Grenade, ai-je dit. J’ai confiance en lui.
    — Qu’il parte aujourd’hui ou on lui tranchera la gorge ! Pas d’infidèle auprès de moi, auprès de toi ! a répliqué Sarmiento.
    Juan Mora était d’une famille de Maures convertis, mais je savais bien qu’il continuait de prier son Dieu.
    J’ai voulu lui remettre une partie des ducats que m’avait donnés Aïcha. Il n’a même pas daigné voir mon geste. Il a enfourché son cheval sans un mot, sans un regard dans ma direction.
    Cet homme-là n’aurait de cesse qu’il ne nous ait tués : Sarmiento, moi, les chrétiens, quels qu’ils fussent. Le voyant s’éloigner dans les rues de Valladolid, traverser la Plaza Santa Maria Antigua, j’ai pensé qu’il devait répéter le nom de la ville à l’époque où y régnait un gouverneur musulman : Belad-Oualid.
    Lorsque Juan Mora eut disparu, je me suis senti accablé et j’ai douté de Votre volonté, Seigneur.
    Vouliez-Vous que les hommes s’entre-déchirent ? Fallait-il, pour faire triompher la vraie foi – la foi en Vous, Seigneur –, tuer tous ceux qui ne la partageaient pas ?
    Je n’ai pas confié mes doutes à Diego de Sarmiento. Déjà je le craignais. D’une inclinaison de tête, d’un mot, d’un battement de paupières, il pouvait décider du sort d’un homme. Il se tournait vers les trois gardes qui nous suivaient, la main sur leur dague où sur le pommeau de leur épée ; il montrait un passant et les trois hommes se précipitaient. Jamais je n’ai vu aucune de leurs proies leur échapper.
    Il s’agissait là d’un marchand, ailleurs d’un changeur juif ou d’un Maure. Parfois, Sarmiento exigeait seulement qu’on lui versât quelques milliers de ducats. Le régent Philippe avait besoin de centaines de coffres de pièces d’or pour financer la guerre que Charles Quint livrait aux princes luthériens et au roi de France Henri II qui les aidait, ou bien pour organiser ces fêtes qui marquaient la signature du contrat de mariage entre le régent d’Espagne et la reine d’Angleterre.
    L’empereur avait en outre conseillé à son fils de se montrer généreux envers les Anglais, de leur distribuer des milliers de pièces d’or. Car rares étaient les hommes qu’on ne pouvait acheter.
    Sarmiento collectait donc les ducats pour Charles Quint et Philippe. Il s’emparait des coffres remplis d’or et d’argent que les marchands ramenaient de leurs voyages au Nouveau Monde et dont ils avaient chargé les coques des galions.
    Qui aurait osé résister ? Celui qui s’y risquait était jugé comme hérétique. Ne désobéissait-il pas à un souverain catholique ?
    J’ai vu dresser un bûcher sur la Plaza del Ochavo. Autour de lui commençaient à tourner des moines en coule noire, les mains jointes, récitant des prières.
    Puis des soldats ont traîné un homme jusqu’au pied du bûcher. Un prêtre lui a présenté un crucifix. Mais l’homme n’a pas même eu la force de redresser la tête.
    La foule sur la place murmurait.
    Lorsque l’homme a été attaché au pilori, au centre du bûcher, il a commencé à psalmodier, à crier, à hurler qu’il était bon chrétien, qu’il n’avait jamais commis d’acte sacrilège, que Dieu savait combien il L’aimait et Le vénérait.
    Puis il a lancé plusieurs fois :
    — Pitié pour moi ! Pitié pour mes enfants !
    Sa voix a été étouffée par la fumée et les crépitements du feu ont recouvert ses derniers cris.
    Seigneur, j’ai prié pour ce supplicié dans l’une des chapelles du Colegio de Santa Cruz.
    Et je me souviens de ma terreur quand la folle idée, la pensée sacrilège m’a de nouveau envahi.
    J’ai imaginé, Seigneur, que Vous étiez indifférent au sort des hommes, qu’après notre faute originelle Vous nous aviez voués au malheur.
    La terre était enfer. Parfois, quelques instants seulement, purgatoire.
    Dragut n’était pas plus cruel que Sarmiento ; Mathilde de Mons pas plus renégate qu’Aïcha Thagri.
    Puis j’ai craint que Diego de Sarmiento n’eût revêtu l’armure d’un chevalier de la Croix que pour cacher qu’il était un soldat du diable.
    J’ai enfoui au fond, au plus profond de moi ces hérésies et j’ai continué de marcher aux côtés de

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