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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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reine écoutèrent mes compliments, c’est parce que j’étais français, que c’était pour elles manière de manifester le dédain qu’elles éprouvaient pour les Espagnols.
    Elles se moquaient même de leur souveraine qui prétendait porter un enfant de Philippe parce que son ventre gonflait ! Elles ricanaient. Marie Tudor, disaient-elles, n’était grosse que d’eau ou de tumeur, et non pas de vie. Il suffisait de regarder sa peau, ses cheveux clairsemés, pour savoir qu’elle n’était pas féconde, mais malsaine, stérile, et d’ailleurs Philippe la négligeait, se consolant avec de jeunes Flamandes qui, à l’abri dans les hôtels de Londres, attendaient son bon vouloir.
    Enfin nous avons quitté Londres. Mais le vent à Douvres était contraire, comme si les éléments eux-mêmes se dressaient contre nous. Nous avons attendu durant cinq jours.
    J’avais l’impression – et le père Verdini, Enguerrand de Mons, les nobles espagnols et sans doute Philippe lui-même partageaient mon sentiment – que nous étions pris au piège.
    Quand, enfin, le vent a tourné, que l’on a hissé les voiles, j’ai failli crier de joie.
    Débarqués à Calais, nous avons chevauché jusqu’à Bruxelles, et le soir de notre arrivée nous avons fait bombance, la mousse de la bière couvrant nos lèvres et nos mains fourrageant dans le corsage des filles.
    Je connaissais et j’avais côtoyé Sa Majesté Philippe.
    À Bruxelles, j’ai vu l’empereur Charles Quint.
    Seigneur, c’était donc là l’homme qui régnait sur les royaumes d’ici et les terres du Nouveau Monde ?
    Il attendait Philippe au bas des marches de son palais. Les doigts crochus, les mains déformées, le dos voûté, le cheveu blanc. La goutte le mettait au supplice et son visage était en permanence crispé par la douleur. Vêtu d’un austère habit noir, on eût dit que ce vieillard d’à peine cinquante-cinq ans portait le deuil de sa propre vigueur.
    — La mort est en lui, a murmuré Sarmiento.
    Philippe s’est agenouillé et lui a baisé les mains.
    Le menton lourd, le corps disgracieux, il ressemblait à son père mais avait encore l’agilité de la jeunesse.
    L’Empereur a pris appui sur son bras pour monter les marches.
    C’était comme la rencontre entre le soleil qui décline et l’astre de la nuit qui se lève.

29.
    J’ai prié pour les deux souverains, l’empereur et le roi, le père et le fils.
    Mais Charles Quint n’était qu’un vieillard qui ne réussissait même pas à fermer la bouche, comme si sa mâchoire proéminente, trop lourde, avait tant englouti qu’elle ne pouvait plus que rester ouverte, pareille à celle d’un ogre puni d’avoir trop dévoré.
    En ce 25 octobre 1555, jour de son abdication, Charles Quint, dès les premiers mots, s’est néanmoins défendu d’avoir été vorace.
    Il fallait tendre l’oreille pour comprendre ce qu’il disait, empêché qu’il était, par cette bouche rétive, de moduler les sons. De la salive suintait à la commissure de ses lèvres. Il s’interrompait souvent, la tête penchée de côté, s’appuyant davantage, à cet instant-là, sur le bras de Philippe II. Puis il se redressait et reprenait.
    — J’ai préservé ce qui m’appartenait de droit, dit-il. Mon règne n’aura été qu’une suite de combats entrepris non par une ambition désordonnée de commander à beaucoup de royaumes, mais pour vous défendre, vous et vos biens.
    Il a longuement regardé la petite foule des députés des provinces des Pays-Bas, des chevaliers de la Toison d’or et des ambassadeurs rassemblés dans la grand-salle du château de Bruxelles.
    La pénombre, malgré les candélabres, ensevelissait les visages. La lumière tombant des fenêtres était grisâtre. Il pleuvait depuis le matin ; rafales et averses scandaient les phrases en frappant les vitraux bleu, rouge et or.
    Tout à coup, il y a eu un rayon de soleil qui est venu éclairer le groupe des ambassadeurs. Le père Verdini m’a dit que les représentants des royaumes, des duchés et des principautés, et naturellement, au premier rang, le nonce, ambassadeur de Sa Sainteté le pape Paul IV, étaient présents.
    La lumière s’est faite plus vive et c’est avec stupeur, effroi et colère que j’ai reconnu, non loin du nonce, mon père et mon frère, envoyés de Henri II et de Catherine de Médicis.
    Était-ce possible ?
    Je me suis tourné vers le père Verdini qui se tenait près de moi, et, à la manière

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