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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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mon père a alors retenti, dominant les éclats de voix.
    Qui se souciait de Vous, Seigneur, dans cette chapelle ?

30.
    Je n’ai plus jamais entendu le rire de mon père qui m’avait si souvent choqué, comme une obscénité.
    Je ne l’ai plus jamais vu marcher de son pas altier, la nuque droite, sa main serrant le pommeau de son épée, avec cette superbe qui me mettait hors de moi tant elle paraissait masquer une âme veule, prête à toutes les félonies.
    Je n’ai plus jamais croisé son regard étincelant de colère ou de mépris, qui m’avait tant de fois humilié.
    Et puis j’ai découvert parmi les hautes herbes, sur la berge d’un ruisseau, dans la plaine de Saint-Quentin, son corps étendu, à demi nu, mort.
    Et j’ai pleuré, et j’ai prié.
    J’avais depuis longtemps déjà quitté la tente royale où Sarmiento, Philippe II, son conseiller Ruy Gomez et le duc Emmanuel Philibert de Savoie ripaillaient, levant leurs verres à la victoire.
    Enguerrand de Mons avait tenté de me retenir, mais je m’étais dégagé d’un geste brusque.
    J’avais vu, lorsque nous avions chargé les gentilshommes français, trop d’entre eux s’abattre, encerclés par les fantassins allemands, anglais, espagnols et flamands, taillés en pièces par nos coups de glaive et nos lances.
    C’était ma première bataille. Je m’y étais jeté avec désespoir. Je ne voulais point comprendre ces alliances qui se retournaient, ces traités que l’on avait juré sur les Évangiles, de respecter et dont, brusquement, on ne gardait plus souvenir.
    Je savais aussi que mon père et mon frère, après avoir quitté Bruxelles, avaient rejoint les troupes royales à Saint-Quentin. Qu’aurais-je fait si j’avais vu au bout de ma lance la poitrine de mon père ou celle de mon frère ?
    J’avais demandé à Sarmiento qu’il m’autorisât à accompagner l’empereur Charles Quint qui partait pour l’Espagne où il allait se retirer au monastère de Yuste, en Estrémadure, afin d’attendre la mort dans la prière et le recueillement.
    Peut-être était-ce ce qui me convenait aussi : m’éloigner de ce monde qui chaque jour me paraissait plus obscur.
    Comment aurais-je pu y trouver ma route ?
    C’était le pape qui s’emportait contre Philippe II, « ce membre pourri de la chrétienté, cette petite vermine » !
    C’était Philippe qui rompait avec Henri II et demandait à son épouse, Marie Tudor, de lui faire parvenir quatorze mille fantassins pour étriller l’armée du roi de France !
    Où était la frontière entre l’hérésie et la vraie foi ?
    Qui se trouvait du côté de la sainte Église ?
    Et qui était du parti du Christ ?
    Au gré des circonstances, chacun changeait de camp et d’alliés.
    Alors, pourquoi ne pas rester agenouillé dans une cellule de moine ? Pourquoi ne pas consacrer ses forces à la prière et à la charité ? Être humble. Accomplir les tâches du paysan ? On disait qu’en Estrémadure l’ordre monastique de saint Jérôme, dont dépendait le monastère de Yuste, cultivait cinquante mille oliviers, élevait des milliers de têtes de bétail.
    N’avais-je pas compris sur les galères de Dragut, puis à Toulon, à Alger, à Valladolid, à Londres, à Bruxelles, ce qu’était la vie des hommes, même les plus pieux, les plus valeureux ?
    Mais Sarmiento refusa de m’entendre et le père Verdini, d’une voix hésitante, murmura que j’étais bien trop amoureux de la chair pour choisir l’habit de moine.
    J’ai donc revêtu l’armure, rejoint l’armée, et nous avons chevauché jusqu’à Saint-Quentin.
    J’ai vu les villages pillés et brûlés par ces hommes dont la peau ressemblait à du cuir tanné. Ils massacraient les hommes. Ils étripaient les femmes et les enfants.
    Et sous la tente royale nous célébrions notre victoire ! Et Sarmiento disait que je m’étais battu comme un chevalier du Temple, maniant le glaive et la lance, ouvrant dans les rangs ennemis un sillon sanglant.
    Il ne mentait pas.
    Je m’étais battu comme un homme ivre. Mais j’étais dégrisé et je voulais sortir de cette tente où je voyais Philippe II poser sa main sur la cuisse d’Anna de Mendoza délia Cerda, l’épouse borgne de Ruy Gomez, son conseiller, et, tout en la lutinant, dire qu’il faisait don à Gomez de la principauté italienne d’Eboli. Et il baisait la main de la jeune femme en l’appelant princesse d’Eboli !
    Anna de Mendoza délia Cerda roucoulait,

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