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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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capable.
    Autant je voulais continuer la guerre contre les infidèles, autant mon bras devenait lourd et se paralysait lorsque j’envisageais de lever mon glaive contre les hérétiques.
    Au lieu de m’opposer à lui, j’avais ainsi longuement conversé, en chevauchant, avec Robert de Buisson.
    Je l’avais convaincu de ne pas chercher querelle à Enguerrand de Mons et j’avais fait de même avec ce dernier.
    Mais ils se défiaient du regard, se provoquaient. Ils rêvaient d’en découdre en champ clos, et cela avait commencé dès le lendemain de notre victoire, alors que les voiles des navires de Dragut et de Mustapha se détachaient encore sur l’horizon.
    C’était folie, et je n’avais trouvé comme moyen de les empêcher de s’entre-tuer que de les entraîner l’un après l’autre loin de Bourg et du fort Saint-Elme.
    Mais le royaume de France, la guerre qui s’y fomentait entre huguenots et catholiques les obsédaient.
    Écoutant Robert de Buisson, j’avais parfois le sentiment d’entendre Enguerrand de Mons, mais c’était comme si son discours avait été inversé, à l’instar des figures de cartes à jouer.
    Comme Enguerrand de Mons, Robert de Buisson s’en prenait à la reine mère, cette ensorceleuse, descendante d’une lignée de marchands qui avaient acheté leur noblesse avec le prix des draps qu’ils avaient vendus. Maintenant elle se vendait et bradait le royaume de France à Philippe II. Le roi de France allait moins compter qu’un seigneur d’Espagne ! Déjà les soldats de Philippe II avaient, à Dreux, massacré des Français huguenots, et permis la victoire des papistes. À Bayonne, le duc d’Albe avait rencontré Catherine, et l’on pouvait imaginer ce qu’ils avaient ourdi ensemble : le massacre de tous les protestants de France.
    — Ils ont commencé à nous tuer, avait poursuivi Robert de Buisson, à incendier nos temples, à nous interdire de pratiquer notre foi. Qu’imaginent-ils : qu’ils vont pouvoir nous traiter comme ces gueux des Pays-Bas massacrés par les troupes du duc d’Albe ? Nous savons nous battre, et les mercenaires suisses du duc ne nous effraient pas. Et, s’il le faut – vous entendez, Bernard ? –, nous engagerons des lansquenets allemands qui valent mieux que ces Suisses. Nous ne nous laisserons pas égorger comme des moutons !
    Robert de Buisson s’indignait, s’étonnait que je fusse le seul de la grande famille des Thorenc à ne pas avoir choisi le juste chemin. Qui m’avait à ce point aveuglé ? N’avais-je pas connu ce que devient un royaume quand il est livré aux papistes ? Je ne pouvais ignorer ce qu’étaient les tribunaux de l’Inquisition.
    — Leurs juges, leurs bourreaux ne valent pas mieux que ceux de Dragut-le-Cruel. Or le pape Pie V est l’ancien inquisiteur général. Pour cette seule raison, vous devriez rejoindre la religion réformée.
    Il ne servait à rien de lui répondre, de lui remontrer que m’importait d’abord la victoire des chrétiens sur les infidèles et leurs alliés. Que c’était là la guerre du Christ et que les autres ne me paraissaient que querelles envenimées par les clercs et les princes à leur profit. Que je ne voulais donc pas m’y mêler, cherchant seulement à mettre mon glaive au service du Christ et de son Église, contre l’islam et sa volonté de dominer, d’exterminer la chrétienté.
    J’ai seulement réussi à empêcher Robert de Buisson de défier Enguerrand de Mons, mais je n’ai été rassuré que lorsque celui-ci a quitté l’île, imité quelques jours plus tard par celui-là.
    J’étais seul désormais.
    Souvent, lors de mes chevauchées, alors que je longeais un champ de blé dévasté, des oiseaux paraissaient tout à coup jaillir des épis brisés, et, dans un grand battement noir, leurs cris aigus me perçant la tête, s’envolaient, tournoyant au-dessus de moi qui m’avançais jusqu’à cette masse sombre que j’avais devinée à travers les épis.
    C’était un cheval ou un homme mort. Ses yeux avaient été picorés par les volatiles ; son ventre, lacéré par des chiens. Sa chair noire était couverte de grosses mouches, et d’énormes vers gluants glissaient parmi les entrailles répandues.
    Je restais longuement immobile à regarder cette transformation d’une vie en un grouillement d’autres vies aussi déterminées à vivre, à arracher leur parcelle de subsistance, à combattre l’une contre l’autre, s’il le fallait, que la

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