Paris, 1199
disparut. Il
marcha encore un peu dans les sous-bois jusqu’à une clairière entourée
d’épaisses broussailles. Ayant attaché son cheval à une souche, il rassembla
quelques brassées de fougères et s’y coucha pour la nuit, ne pouvant continuer
dans le noir au risque de se perdre.
Aux premières lueurs de l’aube, il prit la
direction du nord. La forêt était silencieuse et paraissait déserte. Mais celui
qui s’était appelé Robin au Capuchon [9] savait que ce n’était qu’une apparence. D’une main, il tenait les rênes et, de
l’autre, son arc avec cinq flèches. En cas de danger, il savait qu’il ne lui
faudrait que quelques secondes pour les tirer.
Il écoutait, mais surtout il humait l’air. Des
hommes habitaient ces bois, des charbonniers certainement, des braconniers sans
doute, des détrousseurs peut-être. L’odeur d’un feu, même éteint, pouvait se
percevoir à une lieue parmi la fraîche senteur de l’humus, des bourgeons et des
premières fleurs.
Enfin il repéra une légère émanation de brûlé et
s’orienta dans sa direction, tout en faisant un large détour pour arriver dans
le sens opposé au vent, car il pouvait y avoir des chiens.
Quand il jugea être près du feu, il descendit de
son cheval, l’entrava et lui serra un tissu autour de la mâchoire afin qu’il ne
puisse hennir.
Il découvrit une dizaine d’hommes dans un
campement de huttes de branches. Une charbonnière, couverte de terre, fumait et
un gros tas de charbon de bois s’élevait en bordure de la clairière. C’étaient
bien des charbonniers, mais les épieux et les haches près de leurs cabanes
laissaient penser qu’ils pouvaient aussi s’en prendre aux voyageurs égarés. Il
resta un moment à les observer. Vêtus de peaux de bête, les hommes préparaient
un nouveau foyer. Deux femmes au visage raviné par la fatigue et les privations
cousaient des peaux de loup et quatre jeunes enfants transportaient de la
terre. Arc et flèches en main, il s’avança vers eux.
— Bonne journée, compaings, lança-t-il avec
bonhomie.
Ils se retournèrent. L’un d’eux, barbu et hirsute,
fit quelques pas vers un épieu déposé contre un arbre. Robert de Locksley resta
immobile.
L’homme saisit l’épieu. Immédiatement, une flèche
vola et fit éclater le manche de l’arme en le clouant contre l’écorce.
Ils restèrent pétrifiés.
— J’ai deux questions, pour chaque bonne
réponse je donne un denier, dit-il avec un sourire rassurant.
Celui qui avait tenté de prendre l’épieu hocha
lentement la tête.
— Je cherche deux hommes qui viennent du sud,
ils ont pu passer par là, hier.
Les charbonniers se regardèrent en faisant la
moue. Celui à l’épieu s’exprima alors d’une voix rauque, dans un patois
limougeaud que Locksley comprit à peine.
— On n’a vu personne… dommage pour nous, mais
on peut chercher… si vous voulez. On connaît la forêt. S’ils y sont, on les
trouvera.
— Non, je n’ai pas le temps. Ils ont dû
prendre une autre route. Deuxième question : qui peut me guider sur le
chemin de la ville de Limoges ?
— Je peux, répondit un jeune homme d’une
quinzaine d’années.
— Allons-y, tu auras la pièce. Vous autres,
n’essayez pas de me suivre, je ne désire pas vous tuer, mais je suis capable de
le faire, et c’est lui qui mourrait le premier.
— On n’est pas des criminels, on est
seulement pauvres ! lança la plus âgée des femmes avec agressivité. Mais
nous, pourquoi on aurait confiance en vous ?
— Vous avez raison, gracieuse dame.
Il fit passer son arc dans son autre main, tira
son escarcelle attachée à son baudrier et prit une pièce qu’il jeta à la femme.
Elle la ramassa et la montra aux autres. Sans
doute aucun d’entre eux n’avait vu de denier d’argent.
— Tu peux l’accompagner, Jean, décida la
femme.
Ils revinrent vers le cheval. Une fois en selle, Locksley
fit marcher son guide devant lui, ce qui lui permettait de rester vigilant. Ils
n’échangèrent pas un mot jusqu’à ce que le soleil fût au zénith. À ce moment,
ils débouchèrent sur des pâtures où serpentait un chemin vers l’est.
— Vous n’avez qu’à suivre ce sentier,
seigneur, dit le jeune. Il vous conduira à la Cité et à la ville de Limoges.
Robert de Locksley le remercia et poursuivit seul.
Il arriva en vue des remparts comme la nuit tombait.
Le chemin s’était élargi. Il se mêla aux paysans,
colporteurs et autres
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