Paris, 1199
il se coucha tout habillé. Il
attacha le sac de cuir avec une lanière à son poignet et le garda serré près de
lui. Il s’endormit presque aussitôt.
Dans la brume du sommeil, il entendit les cris et
les menaces, puis il sentit qu’on le secouait violemment. À grand-peine, il
parvint à ouvrir les yeux. Mercadier le tenait par les épaules. Il puait le
vin.
L’odeur le réveilla. Il repoussa le routier et se
redressa :
— Qu’est-ce qui vous prend ? ânonna-t-il
d’une voix pâteuse qui n’était pas la sienne.
— Où est le sac ?
— Quel sac ? demanda-t-il en se passant
la main sur les yeux.
C’est alors qu’il prit conscience que c’est lui
qui puait le vin. Ses habits étaient humides.
— Vous avez bu ! Vous n’êtes qu’un
ivrogne ! cria Mercadier, écarlate et fou de rage. Où est le sac ? Où
est le Mercure ?
La vision encore trouble, Locksley regarda autour
de lui. Il faisait jour, l’ouverture de la tente était écartée. Il aperçut
Le Mulet qui le considérait avec mépris.
— Je n’ai pas bu, protesta Locksley d’une
voix d’ivrogne. Le sac était attaché à ma main… Il a dû tomber par terre.
Il remarqua alors le lacet de cuir toujours à son
poignet, mais on l’avait tranché.
— Vous allez payer cher votre
ignominie ! Le Mulet, fais garder la tente. Qu’il n’en sorte pas !
Mercadier s’éloigna.
Locksley se leva. La tête lui tournait. Il fit
rapidement le tour de la tente mais le sac n’était plus là. Pourquoi avait-il
du mal à parler ? Pourquoi l’avait-on aspergé de vin ? Et qui ?
En se concentrant, il se souvint d’avoir bu du bouillon et de s’être endormi
aussitôt. Dans son esprit embrumé, l’explication vint peu à peu. On avait
drogué le bouillon, sans doute avec du pavot.
Comment allait-il se tirer de ce mauvais
pas ? Il s’assit sur le lit pour réfléchir. Qui l’avait volé ? Le
valet au bonnet à bords relevés était peut-être complice, mais tout semblait
avoir été bien organisé par Mercadier. Auquel cas, quoi qu’il dise, il ne
pourrait se disculper.
Sa décision fut vite prise. Il devait fuir,
retrouver Anna Maria. Mais après ? Rentrer en Angleterre ? Il y
serait vite recherché et redeviendrait un hors-la-loi. C’est alors qu’il songea
à Guilhem d’Ussel [8] .
À cet instant, la portière de la tente s’ouvrit et
Aliénor entra, altière et impavide. Derrière elle suivaient l’abbé du Pin et
Mercadier. Le Mulet resta à l’extérieur.
Robert de Locksley s’agenouilla devant la reine et
embrassa un pli de sa robe.
— Où est la statuette ? s’enquit-elle
avec sévérité.
— Je l’ignore, ma reine. On est entré dans ma
tente cette nuit, on a tranché le lien qui attachait le sac à ma main.
— Si vous n’aviez pas bu ! gronda
Mercadier.
— Je n’ai pas bu ! On m’a fait boire un philtre,
rétorqua Robert de Locksley.
— Bien sûr ! ironisa le capitaine
routier. Inutile de l’interroger ainsi, dame Aliénor. Je vais le faire
écorcher. Il sera plus bavard, les chairs à nu.
Locksley avait gardé ses armes et saisit son
épée :
— Croyez-vous y parvenir facilement ?
demanda-t-il agressivement.
— Assez ! ordonna dame Aliénor. Pourquoi
dites-vous qu’on vous a drogué, noble comte ?
— On m’a porté un bouillon, hier soir. Un
valet avec un bonnet violet. Je me suis endormi aussitôt. Je n’ai pas bu de vin
et, habituellement, le moindre bruit me réveille. (Il désigna le bol de terre
au sol.) Il devait contenir du pavot.
— Il ment, dame Aliénor ! Votre fils le
roi m’a plusieurs fois parlé de Robert de Locksley. Avant d’être chevalier,
c’était un fripon qu’on nommait Robin au Capuchon. Il s’est même attaqué à
votre fils Jean. C’est toujours un coquin !
— C’est vrai, seigneur de Locksley ?
— C’est vrai, ma reine, mais ma cause était
juste, car on avait volé les terres et les titres de mon père. Richard m’avait
rendu justice.
— Voleur un jour, voleur toujours ! cria
Mercadier.
— Balivernes ! Si j’étais un voleur,
croyez-vous que je serais resté là à vous attendre ?
— Vous aviez bu ! Vos complices ont dû
vous tromper. Laissez-le-moi, madame, je saurai le faire parler.
— Mercadier, renseignez-vous sur ce
domestique au bonnet violet, décida-t-elle. Aujourd’hui, c’est jour de deuil.
Que Locksley reste dans sa tente. Il sera jugé demain.
Ils se retirèrent. Il se fit
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