Paris, 1199
Geoffroy Le Mulet ne sera pas arrivé avec les renforts, je dois
être économe de vos troupes.
— Mais une fois à l’intérieur de la courtine,
la place ne sera pas encore nôtre. Ils se réfugieront dans le donjon. À trois
toises du sol, son entrée est hors d’atteinte !
— Nous construirons une tour de cette
hauteur, et nous briserons la porte.
— Combien de temps ? gronda le roi.
— Trois jours pour faire une tour solide en
utilisant le bois des mantelets. Il faut aussi qu’elle soit suffisamment large
pour qu’une vingtaine d’hommes puissent s’y tenir et, éventuellement, utiliser
un bélier si la porte est trop solide pour la briser à coups de hache.
— C’est trop long ! ragea Richard.
— Si vous ne craignez pas de nouvelles
pertes, nous pourrions tenter de les attirer dans un piège, proposa Mercadier.
— Comment ça ?
— Cachons nos chevaliers dans les maisons
près du pont-levis, puis enfermons quelques femmes et enfants du village dans
l’une d’elles de telle façon que Basile nous voie. Ensuite, nous donnerons un
assaut du côté opposé. C’est bien le diable s’il ne tentait pas une sortie pour
délivrer les prisonniers. À ce moment-là, les chevaliers se jetteront sur eux
et les tailleront en pièces.
— Bonne idée ! Faisons-le tout de suite.
— Ce n’est pas possible, sire. Il faut
attendre la nuit pour cacher les chevaliers et leurs chevaux, sinon les
défenseurs se douteront de ce que l’on prépare. Ils ne nous quittent pas des
yeux, de là-haut. Si nous allions plutôt examiner l’endroit le plus favorable
pour cet assaut simulé ? Ensuite, nous préparerons l’endroit où enfermer
nos prisonniers.
On le garnira de branchages pour y mettre
facilement le feu, ainsi Basile sera obligé de les secourir s’il ne veut pas
qu’ils brûlent vifs.
— Ton plan me paraît excellent, fit le roi
après un instant de réflexion. Attendons donc encore un jour, mais demain, je
veux les voir tous pendus là, ajouta-t-il en montrant le grand chêne où se
balançaient quelques corps que picoraient les oiseaux.
Ils dînèrent dans la tente de Richard avec les
autres chevaliers auxquels Mercadier expliqua son dessein, ensuite ils
montèrent à cheval pour faire le tour du château. L’endroit de l’assaut devait
être éloigné du pont-levis, mais il fallait aussi que les gens à pied puissent
s’y rendre rapidement, dès que Basile et ses hommes feraient une sortie.
Le roi était toujours sans haubert ni camail,
seulement coiffé de son heaume surmonté de la couronne royale. Mercadier le lui
fit remarquer mais Richard lui répliqua qu’un sergent d’armes était toujours
près de lui pour le protéger avec un écu.
La troupe partit.
Sur un des hourds, Pierre Basile tentait de
ranimer le courage de ses hommes. Ils n’avaient plus beaucoup de pierres, plus
de flèches et seulement une centaine de carreaux d’arbalète. Les morts avaient
été nombreux, car il n’y avait rien pour soigner les blessures. Si le seigneur
Achard n’arrivait pas, ils tiendraient à peine quelques jours de plus.
C’est alors qu’il aperçut, à quelque quatre cents
pieds, un petit groupe de cavaliers suivi de quelques archers. Ayant reconnu le
roi d’Angleterre à la couronne sur son casque, Pierre Basile songea à Lambert
de Cadoc devenu fameux pour avoir blessé Richard Cœur de Lion avec un carreau
d’arbalète.
Cela s’était produit trois ans plus tôt. En dépit
d’un traité de paix entre Philippe Auguste et le Plantagenêt, Richard avait
repris les hostilités en Normandie où il usait de la plus sauvage cruauté
envers les prisonniers français auxquels il faisait arracher les yeux. Quand il
s’était présenté devant le château de Gaillon, les défenseurs, comme à Châlus
maintenant, savaient qu’ils n’auraient aucune pitié à attendre de lui.
Philippe Auguste avait confié ce château à Lambert
de Cadoc, un chef de Brabançons qui avaient longtemps terrorisé la Normandie,
le Poitou et le Limousin. C’était un homme audacieux et fin tireur. Un jour où
Richard examinait les courtines pour faire creuser une mine, Cadoc lui avait
tiré dessus avec une arbalète, le touchant à l’épaule. La blessure n’avait pas
été mortelle, mais suffisamment grave pour que le Plantagenêt abandonne le
siège.
Pourquoi ne pas renouveler cet exploit ? se
dit Basile. De plus, il avait le poison des Templiers. S’il touchait le
Plantagenêt,
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