Paris, 1199
frère
Guérin.
— C’est grave, mon frère. Ce Robin au Capuchon
n’est pas seulement un hérétique. Il s’apprête à tuer le roi…
Il fit le récit de l’entretien avec Cadoc et le
chancelier.
— L’official sait-il tout cela ? demanda
le prévôt de Saint-Éloy quand il eut terminé.
— Je ne sais pas. C’est possible. Si l’évêque
le sait, cela pourrait expliquer qu’il t’ait écarté. Peut-être dispose-t-il
d’informations que j’ignore, et arrêter lui-même Robin le mettrait dans une
position de force. Tu sais comme ses rapports sont tendus avec le roi.
— Oui, mais d’un autre côté, je dois
reconnaître que l’official n’a pas tort, l’hérésie est de son domaine. Que
vas-tu faire ?
— Je voulais que tu me fasses une liste des
amis de Le Trébuchet. Je vais les arrêter et les interroger, les
tourmenter si besoin est.
Robert Hamelin ne répondit pas tout de suite.
Finalement, il secoua la tête.
— Avec d’autres que des cathares, je t’aurais
approuvé, mon frère, fit-il, mais pas avec eux. J’ai été frappé par l’attitude
de Le Trébuchet quand je l’ai conduit en prison. Il était prêt à mourir. Il
m’a fait penser aux premiers chrétiens et j’en ai été très mal à l’aise. Je
crois qu’à leur encontre, la ruse serait plus efficace que la force.
— Que faire alors ? soupira Philippe
Hamelin.
— Sois patient ! Tu m’as dit que tu as
au moins dix-huit jours. Même si Cadoc prend les affaires de ce Robin à la
Corne de Fer, cet archer attend toujours ses amis. Rappelle au gargotier qu’il
doit te prévenir, même pour quelque chose d’insignifiant, et que s’il ne le
fait pas, tu le feras pendre. Je suis certain que tu auras des nouvelles.
— Et ensuite ?
— Si des amis de Robin se présentent,
suis-les et tu le trouveras.
Le dimanche 9 mai, devant l’église
Saint-Pierre-aux-Bœufs [52] ,
dont le nom venait de l’ancien marché de boucherie transféré depuis sur la
place devant le Grand-Châtelet, quatre hommes écoutaient le crieur du prévôt de
Paris qui annonçait à son de trompe que le roi recherchait un archer anglais
nommé Robin au Capuchon, poursuivi pour crime d’hérésie et de violence.
« Quiconque lui viendra en aide sera mis à la hart et ses biens
confisqués. Celui qui révélera l’endroit où il se cache recevra cinq deniers
d’argent », conclut le crieur.
Depuis qu’ils étaient arrivés à Paris, les quatre
hommes avaient visité bien des hôtelleries et arpenté les inextricables et tortueuses
rues de la Cité sans découvrir la moindre trace de celui qu’ils recherchaient.
Ils étaient maintenant découragés et, si ce n’était qu’ils craignaient la
colère de Mercadier, ils seraient partis.
— Cet archer anglais… Et si c’était
Locksley ? suggéra l’un d’eux, un petit homme à l’épaisse moustache et aux
yeux rouges.
— Tu as de drôles d’idées, Le Tripier,
fit un autre dont le visage de cuir bouilli faisait ressortir sa bouche
édentée.
— Pourquoi pas ? Locksley a un arc,
non ? Il est anglais, non ? Il est à Paris, non ?
Le plus grand, un borgne à la cicatrice violette
sur son œil mort, considéra son compagnon avec un air pensif. Le crieur s’était
éloigné après un dernier son de trompe. Il le rattrapa.
— Compaing, j’aimerais bien gagner cinq
deniers, lança-t-il. Que sais-tu d’autre sur l’Anglais ?
L’autre se retourna et le regarda avec surprise.
Il n’avait jamais vu ce borgne. Vêtu d’une robe bleue, avec un baudrier sans
armes, ce devait être un voyageur. C’est alors qu’il aperçut une escarcelle
bien pansue à sa ceinture. Il sourit.
— Si je savais où il est, j’aurais déjà les
deniers, plaisanta-t-il.
— Je peux te donner un denier, si tu me dis
ce qu’il a fait et pourquoi on le recherche.
— Un denier ? Montre d’abord la pièce,
gentil compagnon !
Geoffroy Le Mulet, on a deviné que c’était
lui, défit le cordon de sa bourse et en sortit une pièce d’argent.
— Il se nomme Robin au Capuchon, dit le
crieur en prenant la monnaie.
— Tu l’as déjà dit ! gronda
Le Mulet, brusquement menaçant.
— Il a fait évader un tisserand prisonnier
pour hérésie, poursuivit le crieur.
— Quand ?
— Il y a une ou deux semaines. Le prisonnier
avait été enfermé à la Grange-Saint-Éloy.
— C’est où ?
— C’est la prison de l’abbaye Saint-Éloy,
vers
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