Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
où parfois on se querellait dru pour savoir si l’esteuf était passé
au-dessus, ou fautivement au-dessous, tandis que céans, les franges retenant la
balle quelque peu, quand elle était lancée trop bas, on devait disputer
moins : du moins je le cuidais.
    La
tribuniscule, comme eût dit Recroche, où nous mena Rabastens, n’était occupée
que par un naquet qui se préparait, un morceau de charbon blanc en main, à
marquer les points de la partie sur un tableau placé sur le devant et bien en
vue des tribunes du public (que celle où nous étions, à angle droit,
surplombait). Le naquet avait le visage fort couturé, une cicatrice sur le haut
de son crâne chauve, la gambe senestre en bois et la mine d’un ancien soldat,
qu’à coup sûr il était, car sourcillant fort à notre entrée, il s’adoucit tout
à plein en voyant Rabastens et mettant sur son chef poli et luisant un grand
chapeau à plumes comme en portaient les gardes à pied vingt ans plut tôt,
incontinent il le retira pour faire au sergent un grand salut que celui-ci lui
rendit sans chicheté.
    — Monsieur
le Sergent, dit le naquet, si ces gentilshommes sont avec vous, ils sont les
bienvenus céans. Mais qu’ils ne se montrent point sur le devant, et demeurent
en retrait, cette tribune-ci étant réservée à la marque.
    — Je
l’entends bien ainsi, dit Rabastens.
    Sur quoi, nous
saluâmes tous quatre le naquet, lequel se recoiffant de son grand chapeau (qui
comportait autant de plumes que la queue d’un coq) nous l’ôta fort civilement,
mais sans y mettre toutefois la pompe et la profondeur de son salut au sergent.
    Pour moi, je
n’avais d’yeux que pour les grandes tribunes, n’ayant jamais vu une assemblée
plus richement attifurée en soie, en brocart, en perles et pierreries, ni aussi
plus colorée, les courtisans tout autant que les dames, portant des vêtures où
pas une manche ni un bas n’étaient du même ton, de sorte que vous eussiez cru
un parterre de mille fleurs réunies et étalant sur soi les mille palettes de la
nature.
    Cependant, je
fus distrait de ce gai et galant spectacle, par un grand remuement qui se fit
dans ces tribunes à l’entrée de la Reine-mère que je reconnus à sa vêture noire
et au fait qu’elle était suivie de dames d’honneur d’une beauté à vous couper
vent et haleine, lesquelles étaient à la vérité fameuses pour cette raison en
le royaume entier, et qu’on eût dit voletant avec mille grâces en leurs
brillants affiquets autour de la Médicis, comme autant de brillants morceaux de
l’arc-en-ciel.
    La Reine-mère
prit place au milieu de la tribune sous un dais fleurdelisé que j’eusse cru
réservé au Roi seul. Mais qu’elle l’usurpât tout de gob ne m’étonna guère,
d’Argence ayant écrit à mon père qu’à l’entrée de Charles IX dans la ville
de Metz, trois ans plus tôt, la Médicis avait exigé de passer les portes avant
le Roi son fils – vous avez bien ouï : avant le Roi ! — et avec son
propre cortège de dames et d’officiers. Ha ! certes, la Florentine avait
fort à se revancher des rebuffades et des déprisements qu’elle avait essuyés,
tant à la cour de François Ier que sous le règne de son époux
Henri II, où, Diane de Poitiers régnant, même dans le lit conjugal elle
n’était pas la première. Il semblait que de ce temps elle n’eût de nom que par
l’injure. « La marchande », disaient d’elle les courtisans du Louvre
à son arrivée de Florence. « Jézabel », disaient d’elle les huguenots
après l’entrevue de Bayonne où elle avait attenté de barguigner le sang
français avec le Duc d’Albe, tâchant de troquer le massacre des protestants
contre un mariage espagnol.
    Je ne la
voyais que de haut et de profil, sauf quand elle tournait sa tête à dextre, ce
qu’elle faisait souvent, ses gros yeux dilatés étant fort épiants de ce qui se
passait autour d’elle. Elle me parut plus petite et plus grasse qu’encore on ne
me l’avait dit, les joues rondes et bouffies, la lèvre pendante, mais
cependant, de son corps, point languide en ses mouvements, mais bien à rebours,
vive et gaillarde ; l’œil cependant soucieux, voilé d’une paupière lourde,
par où elle tenait quelque peu du crapaud. Pierre de l’Etoile m’avait dit
qu’elle prenait de présent grand ombrage de ce que Coligny eût l’oreille du Roi
et le poussât à la guerre dans les Flandres, cuidant que cette faveur de notre
chef pût un jour

Weitere Kostenlose Bücher