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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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insolent. On passa ainsi la rue Tirechappe, puis
la rue de Bresse, puis la rue des Poulies, et on tourna à senestre dans la rue
de l’Hostriche, laquelle est la plus fameuse en Paris puisqu’elle amène au
Louvre.
    — Je
l’appelle l’Hostriche, dit Rabastens, pour ce que mon père l’appelait ainsi.
Mais d’aucuns Parisiens l’appellent l’Autruche. Et d’autres encore, l’Autriche.
Et il n’y a pas moyen de savoir qui a tort ou raison, la gravure du nom dans la
pierre étant tout à plein effacée.
    — Mais,
dis-je, n’y a-t-il pas un plan de la ville capitale où le vrai nom se pourrait
lire ?
    — J’ai
ouï dire qu’il y en avait un, dit Rabastens, combien que peu de gens l’aient
vu, et ceux-là affirment bien haut qu’il erre prou, et dans le tracé, et dans
les appellations.
    Ha !
pensai-je. Étrange et anarchique cité où tout est si incertain :
l’éclairage, la publique salubrité, la sûreté des manants et habitants et
jusqu’au nom des rues ! Cependant, je m’accoisai tant la vue du Louvre
dont nous approchions m’emplissait de cette sorte de crainte quasi muette et
terrassée que doit donner aux sujets d’un grand Roi l’auguste siège de son
pouvoir. Et encore que je ne sois point de ma complexion sujet à si abject
émeuvement, cependant je ne laissai pas de me sentir comme rapetissé et par
l’immense ville qui m’entourait et par la prodigieuse bâtisse qui commandait le
royaume.
    Ha !
certes, ce n’est pas rien, dans le Sarladais, d’être le fils cadet du haut
Baron de Mespech, logeant en un château si bellement remparé, cousin des frères
Caumont de Castelnau et des Milandes, allié de l’abbé de Brantôme, seigneur de
Bourdeilles, et ami de tant de gentilshommes huguenots ou papistes du Périgord.
Mais qu’étais-je céans ? Que pesais-je ? Que valais-je ? En la
ville capitale ? Au pied du Louvre, hérissé de ses tours ? Face au
pouvoir royal, à ses Suisses, à ses gardes, à ses prisons, à ses canons –
dont un seul eût pu jeter bas les murs de Mespech –, à ce souverain enfin,
descendant d’une si haute lignée, maître absolu d’un des plus grands royaumes
de l’univers, détenant le plus irrécusable empire sur les vies et les libertés
de ses sujets, et qui plus est, solennellement sacré, oint par le saint chrême,
onction porteuse d’un droit divin que même les huguenots n’oseraient
disputer !
    La muraille
entourant le château commençait au tournant de la rue de l’Hostriche mais on
n’en pouvait voir que les trois tourelles tout droit alignées, le Roi ayant
souffert qu’on construisît des maisons en appentis à cette clôture, ce qui en
diminuait prou la valeur défensive. Mais le Roi avait-il besoin de cette
enceinte, de ces douves remplies d’eau et de la demi-douzaine de tours qui
flanquaient son formidable palais pour se protéger, et contre qui ? Lui
vers qui affluaient tant de richesses et tant de gentilshommes pour les lui
conserver, lesquels étaient si zélés à le servir qu’ils eussent baillé leurs
âmes en gage s’il l’avait quis.
    Un valet
paumier et quatre ou cinq gardes à pied, hallebarde au poing, interdisaient
l’entrée du Jeu des Cinq Pucelles, et ne nous auraient point laissés
pénétrer si Rabastens ne nous avait poussés devant lui, Miroul compris. Ce dont
je lui sus grand gré, mon gentil valet ayant si bien et si promptement agi pour
sauver mon Samson.
    À vrai dire,
ce jeu de paume parisien n’emportait la palme sur celui du Chancelier Saporta
en Montpellier, que par ses tribunes, lesquelles, à ce que je vis, étaient
remplies sur toute leur longueur de courtisans et de nobles dames, à n’y pas
loger une épingle : raison sans doute pour laquelle Rabastens nous
conduisit par un petit escalier, à une tribune fort petite mais plus élevée que
la précédente et qui occupait le mur de fond, lequel était en bois, comme les
tribunes, tandis que le mur opposé à celles-ci était fait sur toute sa longueur
en pierres de brique fort bien jointes, afin qu’on y pût jouer comme on dit en
Paris, à la bricole, j’entends en faisant ricocher la balle contre sa
surface pour la mettre dans le camp adverse, sans passer au-dessus de la corde.
Mais je dis mal en usant de ce mot que voilà, car les deux camps de ce jeu-là
étaient séparés par une corde, certes, mais munie de franges rouges fort
serrées qui allaient jusqu’à terre : raffinement qui était déconnu en
Montpellier

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