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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le faut bien nourrir ce jour d’hui, et ma mère, et moi-même.
    — Mais
Babette, dis-je, tandis qu’elle raclait ma cuisse senestre, n’es-tu pas exposée,
chaque jour que Dieu fait, à la licence et la brutalité des chalands ?
Surtout quand tu laboures comme en ce soir, seulette en une chambre ?
N’ont-ils jamais attenté de te forcer ?
    — L’oseraient-ils,
dit Babette, quand j’ai ceci en main ? Et le manie si dextrement ?
    Et la
blondelette, sourcillant et sa pupille bleue jetant des flammes, leva haut son
rasoir, m’envisageant, ce faisant, d’œil à œil. Cependant, ce qu’elle lut dans
le mien l’apaisa tout de gob, et me souriant à nouveau, en sa simplette guise,
elle se remit à l’ouvrage et l’acheva, sans souffle reprendre, en un
tournemain.
    À elle aussi
je baillai un sol, déçu que j’étais en ma tant faible chair, mais dans le même
temps m’émerveillant de sa vaillance et de sa fermeté.
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle, la merci Dieu et à vous, vous le prenez bien ! À
l’accoutumée, je n’ai au départir qu’injures et déprisement pour prix de mes
relus.
    Et elle me
donna, elle aussi, un petit poutoune à la joue qui m’émut le cœur, et le cœur
seul. Quel étrange animal que l’homme ! Et qu’il est double, toujours, en
toutes les encontres de la vie, le corps tirant à hue, et l’âme à dia !
    Cependant,
pour ne rien te celer, lecteur (comme j’en ai fait l’audacieuse gageure en ces
mémoires), je n’étais point tout à plein en repos sur ma couche après ces deux
rencontres-là, me trouvant, de Babeau à Babette, comme un esteuf que deux
raquettes se fussent renvoyé sans fin à la volée ; et d’autant que le
repoussis d’une garce, s’il est fait à la douceur, me désarme, sans laisser pour
autant que me désespérer, pour ce qu’il me donne, au surplus, le regret de la
gentillesse qu’elle m’eût montrée si elle avait consenti à mon appétit.
    J’en étais là
de ce pensement et, en outre, fort incertain si M me des Tourelles,
le lendemain, ne me repousserait pas aussi, à la seule outrageante vue de mon
pourpoint reprisé (auquel cas, par surcroît d’irrision, je lui aurais fait en
vain le sacrifice de mes toisons), quand on toqua à mon huis, et l’estuvière
entra, la tête fort haute, comme j’ai dit, du fait de ses tétins rebéqués, et
la prunelle luisante en les fentes de ses paupières.
    — Mon
gentilhomme, me dit d’une voix aigrelette cette montagne de femme, qui me parut
d’autant énorme qu’elle me dominait de plus haut, pour ce que j’étais étendu et
elle debout à mon chevet, quérez-vous à manger ?
    — Oui-da,
dis-je, un rôt et un flacon.
    — Nous
sommes sans rôt ce jour. Deux œufs et un brin de jambon vous agréeraient ?
    — À
merveille.
    Cependant,
encore que tout eût été dit, elle ne s’ensauvait pas, mais restait plantée là,
sa bedondaine et ses tétins me surplombant comme falaise sur mer.
    — Monseigneur,
reprit-elle après s’être un temps accoisée, quérez-vous cette nuit de la
compagnie ?
    — De la
compagnie ? Pour quoi faire ? dis-je étonné et dans ma béance, je
m’assis sur mon séant.
    — Pour ce
que vous savez.
    Parole qui me
donna furieusement à penser. Ha ! me dis-je, Babeau et Babette, vous avez
jasé ! Et savoir quel rôle on fait jouer céans à votre fraîche et
irréfragable vertu ? Êtes-vous, à votre insu, les boute-en-train de ce
haras ? N’excitez-vous pas en votre simplesse l’appétit des chalands que
pour qu’il soit satisfait par d’autres, au plus grand profit de
l’estuvière ?
    — Ma
commère, dis-je en fermant mes pétales, mais à demi, j’incline peu, étant
médecin, aux vénales amours.
    — Hé !
Monsieur ! dit l’estuvière, comme indignée, qu’ois-je de votre
bouche ? Fi donc ! Nous ne sommes point céans au bordeau ! Mais
ès les plus vieilles et renommées étuves de Paris ! Nous n’y tenons point
boutique de putains et ribaudes !
    — Ma
commère, dis-je, point d’offense.
    — Aussi
n’en prends-je, dit l’estuvière avec dignité. La compagnie dont je vous parle
est celle d’une honnête garce qui laboure le jour de son état, et la nuit orne
de sa présence le repos des gentilshommes que je lui recommande.
    — Ma
commère, dis-je, que cela est bien dit ! Et pour moi, combien m’en
coûtera-t-il de cet ornement-là ?
    — Trois
sols pour elle, et trois pour moi.
    — Voilà
qui me

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