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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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nappe brodée d’or et en vaisselle
d’argent. Si tu veux bien de moi comme maître et faire mon commandement, tu me
tiendras compagnie et mon Miroul aussi.
    — Ha !
Monseigneur ! dit Corinne en s’enroulant sur elle-même comme le serpent
d’Éden autour de l’arbre de la connaissance et en me jetant une œillade qui
m’eût conduit tout droit hors Paradis, si déjà nos ancêtres n’en avaient été
boutés hors. Si je vous veux comme maître, Monseigneur ? Me le
quérez-vous ? Ordonnez, je vous prie. Je serai à votre commandement plus
docile, pliable, façonnable et soumise que toutes les épouses mises à tas du
Grand Turc.
    À quoi l’œil
marron de Miroul s’égaya et Corinne sortant dans le beau balancement de son
cotillon émeraude bordé de vert amande pour commander à Nicotin d’apporter deux
couverts, mon gentil valet tira vers moi et me dit en oc d’un air fort
coquinou :
    — Moussu,
je ne sais si la maîtresse vous sera farouche, mais la chambrière est déjà à
jeter en gibecière, et si chaude qu’elle se va de soi déplumer.
    — Justement,
dis-je à basse voix. Je n’aime pas cela. Fille aime à être priée, et celle-ci
n’y met pas de façons assez. Je crains quelque piège ou filet où l’on me fasse
donner du nez pour faire de moi un grand sot. Pourquoi me ferait-on amuser à
battre et contre-battre cette petite tour, si l’on voulait me livrer le
château ?
    — Ha !
Moussu ! dit Miroul, si j’étais vous, je n’irais pas chercher si loin, ce
grand voyage nous ayant laissés en tant d’interminables jours dans l’aigreur de
la chasteté.
    — Quoi !
Maraud ! dis-je, oses-tu bien parler de continence quand tu me soufflas
sous mon nez la chambrière de M me Béqueret en Montfort ?
    — Ha !
Moussu ! dit Miroul en souriant, c’est là l’incommodité du rang de
gentilhomme. On n’y a pas la familiarité des servantes si à l’aise que les
valets. Mais voilà, revenant, votre esclave turque. Prenez, Moussu, si m’en
croyez. Ce qui est pris est pris.
    Suivant
Corinne, tout souris et œillades, le petit valet Nicotin apparut, l’œil chagrin
et la face fâchée, apportant deux couverts, fort dépité en son for qu’il ne pût
pas prendre place à table, Miroul y étant admis. Quoi voyant, je me laissai
atendrézir par ses petites mines boudeuses (car il était tant mignard et joli
qu’une garce, et la joue tant lisse et douce que la barbière Babette n’y eût
rien trouvé à rabattre) et d’un autre côtel, ne voulant point pour ennemi ce
petit frelon, je lui commandai d’apporter un couvert pour lui, ce qui le fit
sauter de joie, l’œil en fleur et le souris ravi, et courant à moi comme un
enfant, il me baisa la main avec mille mercis gracieux. Sur quoi, Corinne à
nouveau sortie, je lui glissai quelques sols aux doigts, ce qui ne laissa pas
que de me le conquérir tout à plein, avec mille grâces encore et des regards si
suaves qu’ils me donnèrent à penser qu’hors le château lui-même, j’eusse pu à
mon gré muser céans de la tour à l’échauguette. Mais lecteur, bien tu sais que
je ne suis ni attiré ni repoussé par ces fantaisies-là, les trouvant comme
étrangères à ma complexion, tant est qu’enfin, je les souffre sans trop de
sourcillement chez les autres, encore qu’elles soient tenues pour fort
peccamineuses par nos Églises et fort durement punies par le bûcher –
châtiment qu’en mon opinion, on eût pu laisser au souverain juge le soin de
décider en l’autre monde, au lieu que de se jeter en celui-ci en ces cruelles
extrémités.
    Je n’ignore
point que d’aucuns ne manqueront pas de tordre le nez à me voir ainsi
m’enroturer au souper avec une chambrière et deux petits valets. Mais pour moi
qui, à Mespech, fus élevé à l’ancienne, primitive et rustique mode, qui veut
que le domestique mange avec le maître, je n’y vois pas malice et n’y crois pas
déchoir, cuidant en outre que si la chambrière est bonne à mettre au lit, elle
le doit être aussi à mettre à table, la vue suppléant, en ce cas, au toucher.
En outre, je tiens qu’il n’est souper si délectable qui puisse se passer de la
compagnie de nos semblables et à dire enfin le vrai tout à trac, mon écuelle
s’ennuie quand je suis seul.
    N’en déplaise
à de certaines gens, je ne laissai pas que d’observer aussi que Nicotin et
Corinne étaient d’apparence saine et salubre, l’œil clair, le teint lisse et
l’haleine fort

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