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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pourquoi ?
    — Pour
connaître si vous avez des mérites assez pour que Madame vous admette aux
familiarités qu’elle désire.
    — Tudieu !
hurlai-je, soudain ivre de rage. Est-ce là Paris ? Sont-ce là nos
raffinées de Cour ? M’essayer ! A-t-on jamais ouï pareille
impertinence ? Suis-je un étalon pour qu’on m’éprouve avant que de me
mener au haras ? Me va-t-on passer anneau au mufle comme un taureau ?
Sanguienne ! Voilà qui est insufférable ! Qui est cette haute dame et
jusqu’où se paonne-t-elle en sa royale estime pour que je sois, moi, confiné
dans les banlieues et faubourgs de son bon plaisir ?
    — Monsieur,
dit Corinne non sans y mettre quelque aspérité (bonne garce qu’elle était,
pourtant). Je n’entends goutte ni miette à ce discours. Nos beaux gentilshommes
de Cour n’y font pas à l’accoutumée tant de façons et se ragoûtent assez bien
de moi.
    — Ce
n’est pas là le point, Corinne, dis-je, l’œil quelque peu adouci. Tu possèdes
en ta mignarde personne de quoi damner tous les saints dont tu parles. Je ne
déprise point tes appas, bien le rebours, mais ne peux que je ne me rebèque
contre l’outrecuidance qui veut faire de toi mon juge. Mamie, ajoutai-je en
retirant incontinent le verrou, ouvrant l’huis et passant dans la salle où nous
avions soupé, porte-moi de quoi écrire. Je veux m’en expliquer sur l’heure à ta
maîtresse, ne la voulant point attendre céans jusqu’au minuit.
    Miroul et
Nicotin achevaient de débarrasser la table de ses reliefs et ouvrirent de fort
grands yeux à nous voir si tôt reparaître, Corinne fort rouge, et moi fort
sourcillant. Mais nos valets ne pipèrent mot, tant manifestes étaient mon ire
et la confusion de la chambrière.
    La bonne garce
eût bien voulu, je gage, me refuser écritoire, plumes et papier tant elle
sentait que ma lettre à sa maîtresse n’allait point être des plus douces, mais
elle n’osa, et la paupière baissée, m’apporta ce que j’avais requis. Sur quoi,
ayant pris le temps de la réflexion en taillant une plume à ma convenance et
gribouillé de prime un brouillon que je voulais par-devers moi garder,
j’écrivis ce qui suit à la Baronne des Tourelles :
     
    « Madame,
    « Il
n’est de peines que je n’ai prises pour me plier aux commandements que vous me
fîtes hier en votre coche, et si vous m’aviez fait l’honneur d’être en votre
logis, quand sur votre invitation je vous y ai visitée, vous m’eussiez envisagé
comme vous me vouliez : pour le corps, tant imberbe que Nicotin et pour la
vêture, tant paré qu’un muguet.
    J’ai toutefois
trouvé que ma complaisance ne pouvait aller aussi loin que vous l’eussiez voulu
pousser, m’étant apparu, à la réflexion, qu’il y avait peu de considération
pour moi à me dépêcher votre chambrière aux fins d’éprouver mes talents.
    Ayant trop de
déférence pour vous-même et votre rang pour oser suggérer que mon valet Miroul
fasse de son côté l’épreuve de ceux que vous pouvez avoir, je ne vois d’autre
issue à ce prédicament que d’abandonner les beautés enivrantes à quoi, en notre
première encontre, vous m’aviez encouragé à prétendre et de renoncer, d’ores en
avant, à l’honneur de me dire, Madame,
    Votre humble,
obéissant et respectueux serviteur,
     
    Pierre de Siorac. »
     
    Je pliai et
cachetai ce poulet et le remis à Corinne, laquelle montrait une mine fort
quinaude et une joue de dépit rosissante entre ses blondes tresses.
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle, je ne sais ce que vous lui avez gribouillé, mais
Madame sera dans tous ses courroux que vous l’ayez osé affronter, et pour moi,
je suis perdante d’une soirée dont je me promettais prou, étant de ma
complexion ainsi façonnée que le premier gautier venu me met en Paradis, et vous
à plus forte raison, Monseigneur, qui avez l’air si galant et si vif.
    À dire le
vrai, je ne laissai pas l’aimable garce sans qu’il m’en cuisît, et lui mis
quelques sols dans les doigts avant que de la quitter.
    Nous
dégainâmes, Miroul et moi, dès qu’on fut dans la rue, l’heure étant tardive et
la nuit noire assez, et prîmes soin de cheminer dans le milieu de la rue et
quasi dans l’ordure et le bren du ruisseau pour qu’on ne nous courût pas sus à
l’improviste d’une encoignure de porte.
    — Ha !
Moussu, dit Miroul qui, étant gaucher, me gardait à senestre comme je le
gardais à dextre, il faut bien avouer que

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