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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les
dimanches et s’il m’indigne chaque fois, c’est à peine s’il me surprend encore.
Ha ! mon cher Siorac, croyez-moi ! Ne musez pas céans plus qu’il ne
faut pour vos affaires. Tirez, tirez dès que vous le pourrez ! Vous seriez
plus en sûreté chez le Grand Turc qu’en cette Paris que voilà !
    Comme il
parlait, on toqua à l’huis, et n’y ayant personne au logis à s’teure, je fus
ouvrir, et distrait que j’étais en mon pensement par le grave entretien où
j’étais, je vis une dame, grande et fort bien vêtue, et que, malgré son masque
j’eusse pu, à son allure et à ses cheveux blonds, reconnaître mais, l’ayant
saluée quasi froidureusement, je quis d’elle qui elle voulait voir au logis.
    — Mais
vous, mon gentil frère, dit-elle en se retirant de la bouche le petit crochet
qui tenait son masque devant sa belle face, vous, dit-elle de sa voix suave, de
prime vous, et après vous, qui vous savez.
    — Quoi !
criai-je béant, Dame Gertrude du Luc ! Ha ! que je suis aise de vous
voir !
    — Ha !
mon bien-aimé frère ! dit la blonde Normande en me jetant ses bras autour
du col et en m’accolant à me faire perdre vent et haleine, quelle solace de
vous avoir là où je vous ai après tant de mois !
    Ce disant,
elle me pressait plus fort contre son doux parpal, et je n’eusse su comment
éviter les chaudes lèvres qui parcouraient ma face, si je n’avais passé la tête
par-dessus son épaule, ayant tout juste le temps de voir, en cette posture, le
bon l’Etoile, le nez long et la lèvre boudeuse, se déconforter fort de nos
embrassements, et quitter l’atelier à la fureur l’huis claquant derrière lui,
tant le Grand Audiencier tenait en détestation les amours hors mariage, alors
même qu’il avait trouvé si peu de délices en sa propre matrimonie.
    — Madame,
dis-je en la prenant par sa douce main et la menant s’asseoir sur une
escabelle, pour ce qu’assise, le péril où elle me mettait me paraissait
moindre. Que faites-vous céans, apparaissant par miracle comme une dea ex
machina [46] ,
dans le temps même où j’avais le plus besoin de vous ?
    — Mais il
n’est pas de miracle, dit-elle, je viens, comme tout un chacun d’un peu bien né
dans le royaume, assister au mariage de la Princesse Margot et de cet infâme
hérétique, encore que le cœur me saigne de cette union contre nature, et
passant, comme c’est mon chemin, par Montfort-l’Amaury, M me Béqueret, qui venait de recevoir une lettre de vous, m’a dit où vous gîtiez.
Mais est-il constant, mon joli frère, dit-elle en battant du cil et en faisant
mine de se lever derechef (mais d’une main sur l’épaule je l’en empêchai),
est-il constant que vous avez de moi un besoin si strident ?
    — Quoi,
Madame ? dis-je, M me Béqueret ne vous a point dit ce que je
quérais d’elle ?
    — Elle
m’a confié qu’elle y était consentante, mais sans m’en confier le propos.
    — Et
vous-même, Madame...
    — Ha !
Pierre, cria-t-elle, ne me « Madamez » point plus outre !
M’aimez-vous donc si peu ? dit-elle, prenant une petite mine si affligée
et si chattemitesse qu’elle ne laissa pas de me faire redouter un renouveau de
ses assauts.
    — Ma
gentille sœur, dis-je, faisant plus ferme la pression de ma main, sur laquelle,
tournant son cou gracieux, elle coucha sa face et posa ses chaudes lèvres (et,
Tudieu, que ces jolies féminines façons me mollissent et me gagnent !).
Vous-même, poursuivis-je en avalant ma salive, pourriez-vous, si je le
requérais, loger chez M me Béqueret en Montfort ? Vous y
recevrait-elle ?
    — Assurément !
Mais qu’y ferais-je, tant loin de mon Samson, et de vous, et de Paris, et des
belles fêtes qu’on y va donner pour le mariage de la Princesse ?
    — Ha !
Madame ! criai-je, il le faut ! Samson court ici de par sa roideur et
candeur les plus cruels dangers.
    Et tout de gob
je lui contai cette fâcheuse traverse de la procession où mon bien-aimé frère,
faute de se découvrir devant la statue mutilée de Notre-Dame de la Carole,
faillit perdre la vie.
    — Ha !
dit-elle, je le craignais ! Il est tant pur et noble et innocent qu’un
ange, mon gentil petit huguenot. (Ha ! pensai-je, celui-là au moins n’est
pas « infâme ».) Mais, par la benoîte Vierge, ma vengeance serait
terrible, si on me le tuait, cria-t-elle en mettant la main à une forte dague
qu’elle portait à la ceinture, par quoi je vis que la belle

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