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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vrai qu’il était là, resplendissant en
sa natureté et la virile symétrie de son corps, blanc de peau, cuivre de cheveu
et l’œil azuréen, sinon que cet œil, on ne le voyait pas encore, puisqu’il
dormait...
    — Ha !
benoîte Vierge ! cria Dame Gertrude en joignant les deux mains, ne
dirait-on pas un Jésus ? Et ne pourrait-on avancer que mon Samson est
d’une beauté divine ?
    — Divine,
Madame ? dis-je en souriant.
    — Ha !
mon frère ! cria-t-elle en me baillant sur la main une petite tape, que
vous êtes donc malicieux et rebéquant à me ramentevoir mes péchés alors que
j’attente de les oublier dans l’instant où je les commets, remettant mes
remords à plus tard !
    — Ma
sœur, dis-je en lui baisant le creux de la main (celle qui m’avait
frappé) – lequel était chaud, suave et parfumé – pardon un milliasse
de fois d’avoir vilainement joué le rabat de joie et le chattemite, moi qui,
pourtant, place ces joies-là au-dessus de toutes les autres ! Mais ma
sœur, poursuivis-je, plus un mot, je vous laisse à votre beau péché. Je
viendrai vous prendre à souper. Et demain nous départons pour Montfort à la
pique du jour.
    Sur quoi
l’ayant sur ses deux douces joues poutounée encore, je m’en fus et refermai
l’huis sur elle, sur eux devrais-je dire, non sans un âcre soupir et quelque
picanier pincement de mon cœur.
    Ma chambre en
sa solitude me faisant horreur, je redescendis, tout songeard et rêveux, en
l’atelier où je ne cuidais trouver personne, Miroul étant à panser les chevaux,
quand j’y vis Fogacer tout vêtu de noir, déambulant sur ses longues pattes, ses
longs bras derrière le dos, lequel à ma vue, arquant son sourcil diabolique, me
dit avec son long et sinueux sourire :
    — Ha !
vous voilà bien vite redescendu de votre petit perchoir, mi fili. Adonc
la Dalila que j’ai vue devant moi cheminant rue de la Ferronnerie ne destinait
point ses outrages à vous, mais à Samson. Mais peut-être, mi fili, si
j’en cuide ce que j’ai ouï, les hautes dames qui rabattent le poil des galants
ne vous sont point non plus tout à plein déconnues. Tant pareilles sont les
garces aux sauterelles sur champ de blé ! Causa mali tanti fœmina sola
fuit [47] .
    — Havre
de Grâce ! m’écriai-je, faut-il d’une seule conclure à toutes ? Parcite paucarum diffundere crimen in omnes [48] , dit Ovide.
    — Quoi ?
dit Fogacer, Ovide ? Mais il courait le cotillon ! Quelle autorité
est-ce là ! Fiez-vous plutôt à mon Plaute : Qui potest mulieres
vitare vitet [49] .
    — Ha !
Fogacer ! dis-je en riant, oyez plutôt le très sage Sénèque, multum
interest utrum peccare aliquis nolit an nesciat [50] .
    — Mais
bien je sais ! dit Fogacer, bien je sais ! Mais n’y incline
point ! Trahit sua quemque voluptas [51] .
    Ayant de la
sorte pédantisé, quoiqu’à la gausserie, et échangé nos maximes latines en
matinale courtoisie, nous nous baillâmes hilarement une forte brassée. Ainsi en
va-t-il du jargon de chaque état : la cicéronienne langue pour vos
révérends docteurs médecins, et pour vos muguets de cour les en ma
conscience, les il en faudrait mourir, et jaseries de moindre suc et
substance que notre beau latin, la gibecière de leur mémoire n’étant pas si
garnie.
    — Je vous
ai vu au prêche du curé Maillard, dit Fogacer, superbe en votre pourpoint
emperlé, mais tirant une mine fort longue à ouïr ces appels au carnage, lesquels
m’ont tout à rebours excessivement réjoui et comme conforté en ma philosophie.
    — Quoi ?
dis-je, béant, réjoui ? conforté ? N’est-ce pas là tout le contraire
que Dieu enseigne ?
    — Mais
duquel de vos Dieux parlez-vous, mi fili ? dit Fogacer en arquant
son sourcil diabolique. Celui de l’Évangile qui est doux et bénin ? Ou
celui de la Bible ?
    — Mais
c’est le même !
    — Ho que
nenni ! Celui-là foudroie Onan pour avoir à terre sa semence jetée, brûle
Sodome, crame les sodomites, massacre par la main d’Israël je ne sais combien
d’honnêtes idolâtres, et supplicie les pécheurs en Enfer. N’est-il pas
manifeste que celui-là, bien loin de nous avoir créés, a été façonné par
l’homme, et à sa triste image, tant il est cruel et rancuneux ?
    — Ha !
Fogacer ! m’écriai-je ! De grâce taisez-vous ! Tant plus je vous
aime tant plus j’abhorre vos blasphèmes !
    — Quoi !
dit Fogacer avec son lent et sinueux sourire, mes blasphèmes !

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