Paris Ma Bonne Ville
treize rues dans la capitale.
Siorac, gardez-vous en Saint-Eustache de sourire, ou de rire, à ce que dira
d’absurde ce Maillard : ses fidèles vous écharperaient.
— Faites-moi
fiance, dis-je en lui donnant du coude : je serai benoît et confit en
diable.
Ha !
lecteur ! Le curé Maillard, quand il apparut en chaire ! Quelle basse
et violente trogne il montrait à ses ouailles, le nez gros et comme lubrique,
la bouche large et saignante, l’œil enflammé, les sourcils broussailleux, la
peau rouge et boutonneuse et des mains de mazelier plus propres à manier le
cotel en boucherie qu’à donner l’absolution.
— Ce jour
d’hui, dit-il l’œil baissé et d’une voix basse et sourde qui en son prêche
allait tout soudain s’enfler comme un tonnerre, je parlerai des femmes et des
hérétiques.
Ayant dit, il
s’accoisa et parut prier, et encore que le peuple fût fort nombreux en
l’église, il se fit un tant grand silence que vous eussiez pu ouïr fuser un pet
de nonne.
— Ha !
femmes ! Ha ! filles ! Ha ! demoiselles ! dit le curé
Maillard en martelant son pupitre du poing, vous qui ne vivez que de vanités et
de lubricités, prenez garde ! Vous qui ne savez que faire pour induire les
hommes en tentation ! Vous qui vous pimplochez la face pour attirer le
chaland ! Vous qui vous mettez sur la tête ces belles perruques et
ratepenades dont le cheveu blond s’éparpille et ondoyé sur vos fronts
emperlés ! Ha ! femmes, que faites-vous ? Le Seigneur vous a
donné un visage et vous vous en inventez un autre ! Le Seigneur vous a
donné un corps et vous vous en façonnez un autre ! Vous remontez et
pommelez vos tétins par des basquines ! Vous gonflez vos hanches par des
vertugades. Vous rondissez vos croupières par des faux culs ! Vous vous
haussez sur des talons, vous minaudez, vous prodiguez souris et œillades, vous
vous dandinez en marchant, de sorte que seulement vous envisager, c’est déjà
grièvement pécher !
Ici le curé
Maillard ferma les yeux et, les lèvres remuant, parut prier tandis que les
fidèles, attendant la suite, retenaient leur souffle.
— Ha !
femmes ! Ha ! filles ! Ha ! demoiselles ! reprit
Maillard d’une voix menaçante, martelant derechef son pupitre de ses énormes
poings, pensez-vous bien à ce que vous faites ? Vous qui craignez tant la
honte que vous ne voudriez vous montrer nues même à votre mari, vous
avisez-vous ce qui viendra après que vous aurez comparu au tribunal du
souverain juge après votre mort ?
Et s’accoisant
de nouveau un petit, Maillard reprit d’une voix tonnante :
— Je vais
vous le dire céans. Pour punition de vos vanités et débordements, les diables
en Enfer vous mettront nues ; les diables mille et mille fois vous
traîneront nues par tout l’Enfer, non devant un homme, mais devant cent mille
qui à gorge déployée riront et se gausseront de vous, voyant vos hontes et
vergognes. De quelle confusion serez-vous alors saisies, quand vous vous verrez
traînées toutes nues, montrant à découvert ce que vous avez de plus honteux, et
menées en cet appareil par tout l’Enfer mille et mille fois en un grand fanfare
de trompettes, les diables riant et se moquant, et criant :
« Voyez ! Voyez ! Voici la paillarde ! Voici la
putain ! Voici Dame une telle de telle rue en Paris – la nommant et
nommant la rue – laquelle a tant et tant de fois paillardé, avec un tel,
et un tel, et un tel, et beaucoup d’autres ! »
« Et
alors cent mille, et autres cent mille personnes qui, en votre vie, femmes,
vous auront très bien connues, vos parents morts, vos amis, vos voisins, tous
passionnés contre vous d’une haine mortelle, accourront vous voir pour se
moquer de vous, disant l’un à l’autre : « La voilà nue, la
ribaude ! La voilà, la loudière ! Sus, sus, les diables ! Sus,
démons, sus ! Sus, furies ! Jetez-vous tous ensemble sur ces putains
cramantes ! Et qu’on leur rende en tourments et supplices ce qu’elles ont
eu de plaisirs en leur vie ! »
Ayant huché
ces paroles de toute la force de ses poumons, le curé Maillard s’accoisa, la
face cramoisie, les poings fermés sur son pupitre, son œil mi-clos envisageant
ses ouailles, et comme épiant sur elles les effets de son propos lequel, à ce
que je vis, me parut contenter davantage les hommes que les femmes, pour ce
qu’on eût dit, à l’ouïr, que seules celles-ci péchaient, et non ceux-là. Et
pour moi, glissant
Weitere Kostenlose Bücher