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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’emporte, Catherine se
voit déjà départir pour l’exil en Florence. Or, Catherine qui est femme de
grande ruse, mais de petites vues, n’a pas d’idée, hors une seule :
régner. Et croyez-vous qu’en le prédicament où elle est, elle va oser affronter
Charles IX en lui parlant d’un petit huguenot que ledit Charles s’est mis
en tête de haïr pour ce qu’il le croit à son frère ?
    — Ha !
Fogacer ! dis-je en secouant le chef, j’entends bien que je ne compte pas
davantage qu’un grain de poussière dans les grands vents qui s’élèvent au
royaume de France, mais mon ami, d’après ce que je viens d’ouïr, Coligny court
les plus grands périls.
    — Mon
fils, cuidez-vous qu’il l’ignore ?
    Et pivotant
sur ses talons, Fogacer, sautillant sur ses longues gambes comme un insecte
noir, se mit à marcher qui cy qui là dans l’atelier, jetant un œil comme
distrait à la cheminée, un œil à la fenêtre puis de nouveau aux degrés qui
menaient à l’étage et tout soudain s’arrêtant, il se campa sur ses
interminables pattes et croisant les bras, il m’envisagea en souriant d’un
sourire tout ensemble entendu et allègre.
    — Mi
fjli, dit-il, si comme on le prétend, amare est gaudere felicitate
alterius [52] alors je vous aime prou, pour ce que je me réjouis grandement de la liesse dont
je vais inonder votre âme.
    — Ha !
dis-je, Fogacer, si liesse il y a, baillez-la-moi sans tant languir. J’aurais
bien métier d’un peu de gaîté ! Depuis que je suis en Paris, je ne marche
que de traverses en tracassements. Tout me fault même les garces !
    — Siorac,
dit Fogacer, les joues toutes gonflées de sa nouvelle comme d’un bon vin qu’il
n’eût pas voulu recracher trop vite, vous ramentevez-vous ce juge dont je fus
l’ami en Montpellier et grâce à qui je pus vous avertir de fuir quand le
tribunal que vous savez vous voulait serrer en geôle ?
    — Fort
bien. Je lui suis infiniment redevable. Et à vous aussi.
    — Vous le
serez derechef. Cet ami montpelliérain, qui quitta Montpellier dans le même
temps que moi, loge de présent en la capitale, et encore qu’il ait abandonné
ses charges et ses offices, connaît fort bien un juge en Paris. Asinus
asinum fricat [53] ,
si du moins j’ose dire « âne », car ils sont tous deux fort savants.
    — Moussu,
dit Miroul en entrant dans la pièce fort à l’étourdie et sans voir Fogacer
l’interrompant, faut-il seller votre cheval ou irons-nous encore à pied ?
    — Selle-le,
Miroul ! s’écria Fogacer avec un long geste de ses deux bras, et le tien
aussi et leur mets des ailes par surcroît, comme à Pégase, pour courre à la
fureur ! Vous en aurez bientôt l’occasion !
    — Et ce
juge ? dis-je, béant que Fogacer commandât mon valet à ma place, lequel
d’ailleurs ne branlait mie, ouvrant fort grands ses yeux vairons et comme cloué
sur place.
    — Ce juge
a rendu son arrêt dans une affaire de moulin où un certain seigneur était
défendeur, l’arrêt lui donnant raison. Mais du diable si je me ramentois le nom
de ce seigneur ! De grâce, Siorac, aidez-moi !
    — Comment
le peux-je ?
    — Mais il
ne se peut que vous n’ayez ouï parler de ce moulin, lequel est sis dans un
village au nord de Paris, fort fameux pour sa bonne farine de blé et les beaux
pains dorés qu’en façonnent ses manants et qu’ils vendent en la capitale. Mais
du diable si je me ramentois le nom de ce village !
    — Vous
vous gaussez, Fogacer, dis-je, dépité de ses délibérés délais. Qu’entends-je à
ce moulin ? En quoi me touche-t-il ?
    — De fort
près ! D’autant que ce seigneur dont je parle et qui, à ce que je cuide, a
un château dans nos provinces du Midi, avait hérité d’un sien cousin ce moulin,
legs que le fils dudit cousin contestait aigrement, d’où cet interminable
procès, et son heureuse issue pour votre ami.
    — Mon
ami ! Mais quel ami ? Ha ! Fogacer, j’enrage ! Vous vous
jouez !
    — Ha !
dit Fogacer, voilà qui me revient par bribes petites en l’esprit : le
village où ce moulin tourne ses belles ailes – lesquelles sont celles qui
portent non loin de là vos belles espérances – se nomme Gonesse.
    — Gonesse ?
dis-je. Gonesse ? Je connais ce nom !
    — Moussu,
dit Miroul, n’est-ce pas ce moulin dont je cuide bien que vous m’avez dit qu’on
le disputait à M. de Montcalm.
    — Montcalm !
criai-je tout soudain hors de moi. Fogacer ! Vous

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