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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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être
donnée que sur le parvis, mais celui-là, comme j’ai dit, rehaussé d’une estrade
qui permît du même coup au peuple de voir les princiers époux, le roi, la
Reine-mère et les Princes, de sorte qu’on eût dit soit une scène dressée là
pour que des bateleurs y fissent leurs tours, soit un échafaud destiné à donner
en pâture à la plèbe une décapitation, encore que ses dimensions fussent si
vastes qu’on eût pu priver de leurs têtes tout ensemble une trentaine de
condamnés. Toutefois, ce qui prouvait bien que ce n’était pas là sa
destination, c’est qu’on voyait les planches recouvertes de bout en bout de
tapis, lesquels, à ce que je m’apensais, avaient dû être apportés du Louvre à
la pique du jour.
    Entourant
cette estrade, se tenait un très fort cordon de Suisses et de Gardes
françaises, ceux du roi, mais aussi du Duc d’Anjou, reconnaissables à leurs
mantelets rouges. Vers ceux-ci nous dirigeant, nous fûmes assez heureux pour y
encontrer le capitaine de Montesquiou, lequel, sa face tannée barrée des deux
traits noirs de sa forte moustache et de ses épais sourcils, nous envisagea
avec à peine un souris.
    — De
grâce, Montesquiou, dit Quéribus, tirez-nous de cette presse ! Il en
faudrait mourir tant elle nous pue au nez !
    — Je vous
connais, Baron, dit Montesquiou avec gravité, et je connais M. de Siorac. Mais
j’ignore qui sont ces dames.
    — Elles
sont toutes deux de bonne noblesse normande, dit Quéribus sans battre un cil,
et je réponds d’elles comme de moi.
    Mensonge qui
me donna à penser qu’il avait fait en son for son choix et que celui-ci le
portait à Zara puisque à coup sûr une chambrière n’eût pas été admise sur
l’estrade, où, en même temps que nous, je vis nombre de brillants courtisans et
de fort scintillantes dames prendre place sur des bancs, bien aises qu’ils étaient,
et que nous fûmes, d’être assis, encore que sous un soleil de plomb dont nos
dames commencèrent à se lamenter prou, craignant qu’il ne leur gâtât le teint
et aussi pour ce. qu’elles étouffaient dans les basquines dont elles s’étaient
serrées pour s’amincir. Il faut bien avouer que même sans basquine, je cuisais
comme pain au four sous le soleil, le torse boutonné en le satin de mon
pourpoint et le col étouffé en la hart de ma fraise, laquelle je sentais quasi
s’amollissant sous la sueur qui me ruisselait de la face et cependant, pour le
moins autant content d’être là que les dames, et fort avide d’envisager de si
près les personnages de cette grande fête.
    Dans un grand
remuement de pages et d’officiers et une grande vacarme de trompettes, de
cloches sonnant à la volée et de coups de canon, le Roi apparut enfin, donnant
le bras à la Reine-mère et suivi de sa Reine, vêtu (je parle du roi) en satin
jaune pâle, sur lequel un soleil avec ses rayons était figuré par des fils d’or
soulignés de pierreries. Catherine de Médicis, ayant pour une fois abandonné le
noir qu’elle portait depuis la mort d’Henri II, se montrait somptueusement
vêtue de soie bleu et couverte, je dis bien, couverte de pied en cap de ses
célèbres joyaux florentins, les plus beaux de l’univers, lesquels jetaient
mille feux de leurs mille facettes, à telle enseigne qu’elle paraissait ravir à
son fils le soleil dont il était habillé, comme à la vérité elle lui avait
ravi, depuis son couronnement, la réalité du pouvoir.
    Derrière le
roi, venaient ses frères : le Duc d’Anjou et le Duc d’Alençon, vêtus eux
aussi de satin jaune pâle ainsi qu’Henri de Navarre qui les suivait, mais à
vrai dire, je doute que le populaire, du bas de l’estrade, pût les voir tant le
Roi et ses officiers et la Reine-mère, celle-ci entourée d’une bonne douzaine
de dames d’atour (sur les quatre-vingts que comptait ce galant escadron),
tenaient le devant de la scène.
    Le Roi et la
Reine-mère furent fort médiocrement salués par le peuple, lequel, tout comme
Alizon, paraissait mi-grondant, mi-content, et comme partagé entre le plaisir
que lui donnaient ces fastes royaux et l’âpre ressentiment de ce mariage
« infâme » que le Roi et sa mère lui avaient forcé dans la gorge au
rebours de son estomac.
    Cependant, ces
maigres acclamations s’étoffèrent quand apparut, splendidement ornée, la
Princesse Margot, venant de l’Évêché où on murmurait qu’elle avait passé la
nuit en de fort mauvais rêves (pour ce qu’elle

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