Paris Ma Bonne Ville
celles-ci seules les rues où elles passaient recevaient cette décoration,
ce jour d’hui toutes les rues où logeaient des gens quelque peu étoffés
s’étaient ainsi parées, qu’elles fussent ou non sur le passage du cortège
royal.
Dans la nuit,
les arcs de triomphe, dont je n’avais vu que trois ou quatre la veille au soir
tombant, s’étaient multipliés, et il me faut confesser que les artisans qui les
avaient si promptement façonnés en avaient fait des merveilles tant par le
façonnement du bois que par leur décoration florale et buissonnée où je trouvai
un goût que je n’ai jamais vu qu’en Paris, tant ce peuple, si rebelle, féroce
et maillotinier qu’il soit, a le sentiment de l’art. Le soleil d’août était
vif, quoique point encore écrasant, et avec ces tapisseries chatoyantes pendant
le long des murs, ces petits jardins de fleurs suspendus aux balcons (dont tant
se plaignent les passants de par l’eau dont ils sont arrosés), le pavé pour une
fois net et propre et l’immense concours de peuple qui inondait les rues, les
places et les ruelles, chacun et chacune tant bien vêtu qu’il fallait regarder
à deux fois pour distinguer un bourgeois d’un gagne-denier, je fus plus ébloui
par la capitale, par ses fastes, sa beauté et son luxe que je ne l’avais jamais
été jusque-là. Ha ! la voilà donc ! pensais-je, cette Paris dont
toutes les nations sont raffolées ! la voilà enfin, parée et propre comme
elle devrait à sa gloire de l’être tous les jours !
Nous quérîmes
Gertrude du Luc et Zara rue Brisemiche, et lecteur, je te laisse à penser les
coquetteries innumérables dont le beau Quéribus fut incontinent assailli et
pressé, tant de la belle Normande que de Zara, laquelle revêtue d’une robe de
sa maîtresse (qui ne lui pouvait rien refuser) avait bien plus l’air d’une dame
de qualité que d’une chambrière tant elle s’était raffinée au contact d’une
noble dame dont elle partageait le lit, Gertrude souffrant d’une insufférable
agitation de ses esprits animaux quand elle couchait seule. Quant à Quéribus,
il rendit trait pour trait, et je ne sais de combien d’œillades on fit négoce
et commerce en cette coche, et quels ravages firent dans les chairs et les
cœurs tous ces carreaux d’arbalète tirés à bout portant, et par quoi je ne fus
non plus épargné, en particulier de Zara qui, combien qu’elle professât n’avoir
pas goût à l’homme, aimait fort, en revanche, être par eux aguignée et aimée.
Le flot du
peuple, affluant de toutes les rues et ruelles, nous portait du quartier
Saint-Denis à l’île de la Cité et sauf pour la commodité d’être assis, il n’y
avait pas avantage à être en la coche, les manants et habitants marchant si
serrés qu’ils n’eussent pu s’ouvrir devant nous, mais ne l’eussent voulu
davantage, leur nombre redoublant leur naturelle effronterie. Quant à
l’avantage que je viens de dire, il nous fut ravi au Pont-aux-Meuniers, qu’on
ne nous permit pas de franchir, un sergent des Gardes françaises nous venant
dire civilement à la portière que les coches n’étaient pas admises en la Cité
ce matin en raison du grand embarras et encombrement qu’il y avait déjà. Il
nous fallut donc descendre sous le regard curieux et gaussant des Parisiens,
lesquels étaient bien aises de nous voir logés à même enseigne qu’eux et tandis
que nous cheminions, dévisageaient les dames avec l’impertinence qu’on devine,
les louant à voix tant haute de leurs appas qu’elles en eussent été vergognées
si elles n’avaient feint de ne pas ouïr, Quéribus et moi-même les encadrant à
dextre et senestre pour que les mains ne prissent pas le relais des paroles,
Miroul et le cocher engardant quant à eux leurs arrières sans quoi elles
eussent été en quelque danger d’être pastissées, tant l’insolence de cette
foule et sa lubricité nous parurent sans frein, et de reste irréfrénables, car
le Baron et moi-même, serrés que nous étions, n’avions même pas assez de place
pour dégainer et donner aux alentours quelques platissades pour rebuter les
audacieux.
Fendant cette
foule innombrable, dont sous le soleil déjà haut émanait une odeur qui me
ragoûtait peu, on atteignit enfin une vaste estrade qui avait été dressée
devant le porche de Notre-Dame pour ce que Henri de Navarre ne voulant pas
pénétrer dans la nef et ouïr la messe, la bénédiction nuptiale ne pouvait
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