Paris Ma Bonne Ville
suppôt, tandis qu’il faisait ses révérences et ses
compliments au roi, à Catherine de Médicis et à sa future épousée (laquelle fut
de marbre et ne répondit miette). Il était vêtu de satin jaune pâle, comme le
Roi et ses frères, et encore qu’à la prière de sa défunte mère, il eût fait
pour ce mariage un grand effort pour « accommoder sa crasse », il
faut bien confesser qu’il avait en sa tournure je ne sais quoi de fruste qui
sentait davantage le laboureur et le soldat que l’homme de cour. Mais combien
que sa face, où trônait un nez fort long, ne fût point belle, il y avait en sa
physionomie un air tout à la fois de fausse naïveté, de finesse et de gausserie
qui me donna fort à penser.
— Qu’opinez-vous
du marié ? me dit Quéribus à l’oreille.
— Baron,
dis-je en lui baillant un souris, combien que le rustre parle d’oc, je
le crois plus finaud que rustaud.
— Touché !
dit Quéribus en riant à gueule bec. Siorac, que vous êtes donc
divertissant ! Finaud, assurément, il l’est et plus même que Catherine qui
croit l’enchaîner à son trône et souder Navarre à France en le baillant
à sa fille, des cuisses de laquelle, ajouta-t-il à voix fort basse, elle compte
bien qu’il sera prisonnier. Mais Vertudieu, lesdites cuisses sont trop légères
pour mettre du plomb aux semelles de Navarre !
— Baron,
dis-je, votre métaphore est comme la Montpensier : elle est belle, mais
elle boite.
À quoi il rit
à rate éclatée, le bras passé sur mon épaule, non sans se retourner à la ronde
pour épier si quelque oreille à la traîne avait pu surprendre nos damnables
propos. Mais à la vérité, les dames et les seigneurs, assis aux alentours, et
assis tant serrés que leurs genoux touchaient le dos de ceux qui se trouvaient
devant, étaient comme nous, trop occupés à clabauder pour nous ouïr, tant la
médisance, pour peu qu’elle soit bien dite, est la quotidienne pitance de toute
cour.
Nous voyant
dans nos rires, nos dames nous tombèrent sus, chacune sur son chacun, nous
faisant grief d’être plus occupés de nous que de leurs personnes, et des deux,
la plus impérieuse, certes, fut Zara qui, de la minute où elle fut vêtue comme
une personne de qualité, en prit incontinent les manières, et m’ordonna à basse
voix de lui dire qui était cette Montpensier dont nous avions jasé.
— Quoi,
Zara, lui dis-je, lui piquant un poutoune au cou sous le prétexte de lui parler
en sa mignarde oreille, ne le sais-tu ? C’est la sœur du Guise, et la plus
acharnée papiste du royaume.
— Monsieur,
dit Zara en battant du cil et en ployant son long cou – petites mines dont
elle savait bien qu’elle me ravissait – ne médisez pas des papistes !
— Quoi ?
Zara ! dis-je, sotto voce, tu as tourné jaquette ?
— Monsieur,
dit-elle, je suis de la religion de qui m’aime : huguenote avec d’Assas,
catholique avec Dame du Luc. Mais, Monsieur, poursuivit-elle, où est le Duc de
Guise ? On dit qu’il est si beau.
À quoi je ne
pus répondre, un grand remuement se faisant sur l’estrade, pour ce que le Roi
s’étant levé, se dirigeait, la Reine-mère au bras, vers le porche de Notre-Dame
pour y pénétrer et ouïr la messe, tandis que Navarre, qui ne voulait point
l’ouïr, tirait vers le cloître de l’Évêché (lequel jouxtait le côté senestre de
la cathédrale) incontinent suivi par le Prince de Condé, l’amiral de Coligny,
son gendre Téligny, le comte de La Rochefoucauld et nombre de grands seigneurs
protestants. Quant à la future épousée, elle suivait le Roi au bras du Duc
d’Anjou, lequel, pendant l’office, devait tenir le rôle du marié.
Il y eut alors
sur cet échafaud un flux et un reflux, le flux des papistes qui pénétraient
dans la nef, et le reflux des huguenots qui gagnaient le cloître pour s’y
promener pendant la messe, attendant sa terminaison pour que revînt Margot sur
l’estrade où, hors l’église, la bénédiction nuptiale serait donnée à ces
étranges époux qui se séparaient en leur culte avant que d’être unis devant
Dieu.
— Assurément,
me dit Quéribus à voix étouffée tandis que nous suivions Margot au bras
d’Anjou, la belle, plutôt que d’épouser son rustaud navarrais, aimerait mieux,
à défaut de Guise, marier son frère à la pharaonne. Peut-être avez-vous ouï en
vos provinces qu’elle l’aima trop en ses vertes années ?
— Quoi ?
dis-je, n’est-ce pas là un
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