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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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à la pente du toit, laquelle était fort plongeante, tu couds ! Un
jour chômé !
    — Ha,
Monsieur ! dit-elle sans se lever, l’air tout ensemble affairé, agité et
allègre, il le faut ! Je me finis un neuf cotillon que je veux porter
demain pour le mariage de la Princesse Margot, le Roi ayant requis tous les
manants et habitants de Paris de se vêtir de leurs meilleures attifures pour
honorer sa sœur !
    — Quoi,
Alizon ! dis-je, assez piqué qu’elle fût tant attelée à sa tâche qu’elle
ne l’interrompît pas pour me bailler un poutoune, tu irais voir ce mariage que
tu dis tant honteux !
    — Ha,
Monsieur ! dit-elle sans perdre une aiguillée, la langue tant vive que ses
doigts, infâme, il l’est, et tout à plein contre nature. C’est proprement
l’union de l’air et du feu – l’air du Paradis et le feu de l’Enfer.
    — Pourquoi
y assister dans ce cas ? dis-je, me gaussant en mon for qu’elle comparât
la Princesse Margot à l’air du paradis alors que le royaume entier savait ses
paillardises avec le Guise.
    — Benoîte
Vierge ! cria Alizon, vais-je demeurer seulette en mon coin quand tout le
monde y va ! Un mariage est un mariage ! Vais-je faillir à voir la
plus belle fête du règne pour ce que le marié est un chien d’hérétique !
Mais Monsieur, poursuivit-elle avec un soupir, je désespère ! Le jour déjà
décline, je n’ai plus de chandelle, et j’eusse voulu pourtant finir avant que
de m’aller coucher, tant je suis tuée de fatigue !
    — Et le
petit Henriot ? dis-je, voyant le berceau vide à la dextre de sa couche.
    — La
voisine l’engarde. Il est tant turbulenteux que je ne peux l’avoir céans quand
je laboure.
    — Je le
vais voir, dis-je en lui montrant les talons, dépit assez (pour être franc) que
ce fâcheux cotillon m’empêchât de la prendre dans mes bras, comme j’y avais
appétit après mes trois jours en Montfort.
    Le petit
Henriot riait aux anges (à qui si fort il ressemblait) de sorte que je n’eus
pas à chercher beaucoup pour trouver la bonne porte, ni à celle-ci toquer,
toutes étant ouvertes par la grande soif d’un peu de fraîcheur où étaient ces
bonnes gens.
    Et quel joli
petit drôle c’était là, si rond, si rose et comme j’ai dit, rieur ! En le
voyant, je m’apensais que c’était merveille qu’il pût y avoir en Paris, malgré
la puanteur de l’air, de si beaux enfants qu’à Mespech, tant il est vrai que
c’est le lait et l’amour qui les fait tels, j’entends la grande amour qui leur
est baillée, et qui leur est nourriture aussi nécessaire que l’autre, et qui
céans ne faillait pas, à ce que j’entendis, tant de la mère que de la voisine,
laquelle en ses bras le portait et avec lui gazouillait et chantonnait comme
s’il eût été son fils. Je fus ravi de ce joli tableau, et de l’enfantelet, et
de la gentille et accorte garce qui l’allait mignonnant, et à qui je n’eus pas
à dire qui j’étais, car elle le savait déjà, et me voulut bien confier
l’enfantelet tandis qu’à ma prière elle allait acheter deux chandelles, pour
quoi je lui baillais un sol.
    Je revins dans
la chambrette d’Alizon, le petit Henriot dans mes bras, lequel, sans hucher ni
pleurer, souffrait fort bien d’être porté par un homme tout à plein déconnu,
étant fort intéressé par mon pourpoint et par les rangées de perles qu’il
attentait de saisir en ses petites mains.
    — Ha !
Monsieur ! dit Alizon en poussant deux soupirs (mais sans perdre une
aiguillée) le premier, de liesse pure, le second de liesse à tristesse mêlée,
que j’ai d’aise à vous voir mon petit Henriot dans les bras ! Vous êtes
raffolé des enfants, cela se voit. Que votre Gavachette vous baille gars ou
garce, vous serez bon père, et elle n’aura point à se faire pour son enfant un
souci à ses ongles ronger, comme je fais, craignant d’être infectée d’une
intempérie qui m’empêche de labourer le jour chez Recroche, et la nuit ès étuves.
Et si je dépéris, tuée que je suis déjà, et de labour, et pour ce que le
sommeil tant me fault, que devient mon petit Henriot ?
    — Alizon,
dis-je, à cela j’ai songé.
    Et le petit
Henriot toujours dans les bras, j’allai fermer la porte de la chambrifime, et revenant
à elle tant près qu’à la toucher, je lui dis à voix si basse que personne des
voisins ne me pouvait ouïr :
    — Mamie,
je t’aime de très grande amitié, et ton pitchoune aussi

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