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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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entendre.
    — Départir
de Paris, dit-il avec cet accent béarnais qui prêtait telle rondeur à ses
moindres propos qu’on eût cru ouïr des galets roulés par le flot d’un gave,
départir de Paris n’est point facile pour M. l’Amiral. À quérir le congé du Roi,
il ne l’obtiendrait pas. À ne pas le quérir, ce serait outrager le Roi. Et il
en faudrait craindre les conséquences, et pour l’Amiral, et pour la paix...
    Et pour
Navarre lui-même, songeai-je en mon for ; pour Navarre, duquel la position
en cette Cour dont il est quasi l’otage deviendrait pour le moins incommode, si
les huguenots bravaient le souverain.
    Tant en raison
du rang du Béarnais dans l’État que de son poids propre, son opinion ne fut pas
sans effet sur les seigneurs présents, encore qu’elle faillît, à ce que je vis,
à les persuader tout à plein, tant paraissait oscillant et branlant au-dessus
de nos têtes le roc effroyable qui menaçait nos vies.
    — Ha !
dit enfin Téligny, que ne quérons-nous pas plutôt l’avis de l’Amiral au lieu de
disputer plus outre ? N’est-il pas toujours notre chef ?
    À quoi Jean de
Ferrières ouvrit les bras d’un air d’impuissance accablée, tant il lui parut
évident que l’Amiral, en sa roide et héroïque fermeté, allait décider contre
son avis, ne portant pas dans les affaires civiles l’émerveillable souplesse
qu’il montrait à la guerre, où il n’était jamais si excelse qu’à se dérober à
l’ennemi après une défaite, fuyant après avoir mordu, et mordant de nouveau, et
fuyant encore.
    — Mais
l’Amiral se trouve ensommeillé, dit Guerchy, et Mazille n’a pas voulu que
Messieurs les Princes du sang l’entretinssent.
    — Dépêchons-lui
M. de Siorac, dit Téligny, lequel, étant médecin, saura observer s’il peut sans
le fatiguer lui poser la question dont il est céans débattu.
    À quoi
promptement j’acquiesçai et, quittant la chambre de l’enseigne Cornaton où se
déroulait ce conseil dont je sentais bien qu’il était pour les nôtres d’une
telle conséquence en la montée des périls, je traversai la cohue de la salle
basse et montant à l’étage, je demandai à l’oreille à M. de Mazille si je
pouvais parler au patient, en ayant reçu le mandat.
    — Il
n’est pas tant mal en point qu’on aurait cru, dit Mazille. Il est si robuste de
sa complexion, et si constant en sa romaine fermeté, que c’est merveille de le
voir lutter contre le mal.
    — Dort-il ?
    — Non
point. Il songe à yeux ouverts, sans doute à ses grands desseins.
    Ceci me toucha
plus que je ne saurais dire, M. de Mazille étant papiste, mais honnête assez
pour entendre que l’Amiral n’était pas homme à ne penser que de soi, bien le
rebours, ayant si fort dans le cœur l’intérêt de l’État.
    Tirant alors
vers le lit, je soulevai doucement la custode, et l’Amiral m’envisageant de ses
yeux qui même dans la pénombre de la ruelle me parurent tant clairs et lumineux
que jamais, je lui dis ce qu’il en était du conseil que nous tenions dans la
chambre de Cornaton.
    À quoi pour
toute réponse, il dit de prime à voix étouffée et comme musant :
« Ha ! Ma guerre des Flandres ! Y peux-je renoncer ? »
Et il pouvait bien dire «  ma guerre », certes ! Car qui
d’autre avait à la Cour appétit à cette guerre, sauf par sauts et sursauts le
roi, à s’teure persuadé par Coligny de la vouloir, à s’teure convaincu par la
Reine-mère de la dévouloir.
    Assurément,
c’était un grave et grand projet de détourner l’esprit rebelle, remuant et
maillotinier des huguenots vers la guerre extérieure – au coude à coude
avec les Français papistes – au lieu que de les laisser derechef se couper
la gorge entre eux. Mais d’un autre côtel, n’était-ce pas chimère que
d’attenter de persuader la Cour de soutenir par les armes contre
Philippe II d’Espagne (le plus sûr rempart de la papauté) les gueux
protestants des Flandres ? Et n’était-ce pas chimère aussi, mais de toute
autre sorte, d’essayer de détacher ce Roi tant faible et léger de sa mère, au
cotillon de qui il avait été si bien cousu en ses enfances, et par elle et par
les conseillers dont elle l’avait entouré ?
    Coligny
s’accoisant, j’entendis bien que pour lui, départir de Paris voulait dire
affronter le roi, perdre sa faveur, et perdre du même coup son grand
dessein : réconcilier les sujets du royaume en une guerre qui

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