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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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lesquels on a serrés en geôle pour les
mettre à la question. Avez-vous pour agréables les juges que j’ai commis pour
informer ?
    — Je m’y
accorde bien, Sire, dit l’Amiral, si vous les trouvez propres. Seulement, je
vous supplie qu’y soit adjoint Cavagnes, un de vos maîtres de requête.
    — Il sera
fait ainsi, dit le roi.
    — Sire,
dit alors l’Amiral parlant à voix plus basse et me faisant de la main signe de
m’éloigner, il y a une chose que je voudrais vous ramentevoir...
    Mais je ne
l’ouïs pas plus avant, ayant tourné les talons pour me retirer, et dans cette
volte-face, apercevant le regard du Duc d’Anjou sur moi, je décidai d’aller le
saluer ainsi que la Reine-mère et son frère : ce qui ne fut pas facile,
pour ce qu’ils étaient comme prisonniers d’une cohue de gentilshommes
huguenots, lesquels, grondant et grommelant, passaient et repassaient
continuement devant et derrière eux sans leur montrer autant d’honneur et de
respect qu’ils auraient dû. Albert de Gondy, le confident de Catherine et l’ami
qu’elle avait donné en ses jeunes ans à Charles IX, était avec eux et sa
physionomie fine, cauteleuse et renardière montrait bien quel inconfort il
encontrait à se voir enfermé là avec ses maîtres. J’observais que les lèvres du
Duc d’Alençon tremblaient et qu’il roulait des yeux en tous sens comme un
lièvre. Catherine et Anjou faisaient meilleure contenance, combien qu’ils
fussent l’un et l’autre fort pâles et que Catherine fit sa lippe. Il était aisé
de voir, à les envisager, qu’ils se fussent souhaités à mille lieues de là.
    Juste comme je
m’inclinais devant la Reine-mère, le Duc d’Anjou et son frère, je fus rejoint
par M. de Mazille, suivi par l’enseigne Cornaton. La Reine-mère parut fort
confortée d’encontrer enfin, en ce repère huguenot, des gens qui la traitaient
avec honneur et quit de M. de Mazille si Paré avait extrait, et Mazille
répondant que oui, elle se fit montrer la balle, laquelle était en cuivre. Et
la tournant et retournant entre ses doigts bagués des plus belles pierres du
monde (regrettant peut-être en son for qu’elle n’eût pas atteint son ennemi au cœur),
elle dit avec une sorte d’onction :
    — Elle
est fort grosse. L’Amiral a-t-il beaucoup pâti à l’extraction ?
    — Beaucoup,
dit M. de Mazille, mais sans gémir ni pâmer.
    — Ha !
Je le connais bien là, dit Catherine. Je ne connais homme au monde plus magnanime
que M. de Coligny.
    Éloge que M.
de Mazille et moi écoutâmes en silence, tant cette eau bénite de cour nous
étonna, tombant sur cet homme-ci de ces grosses lèvres-là.
    — Je suis
bien aise, reprit Catherine, nous envisageant sans nous voir de ses yeux globuleux,
que la balle ne soit point demeurée en la blessure, d’autant qu’il se peut
qu’on l’ait empoisonnée.
    Je restai
béant de ces propos sinistres, la rumeur publique associant si volontiers à la
Florentine le mot poison, comme on l’avait murmuré partout lors des mystérieux
décès des deux frères de Coligny, Odet de Châtillon et d’Andelot, pour ne même
point parler céans de Jeanne d’Albret, la Reine de Navarre, si subitement morte
au Louvre, après qu’elle eut signé le contrat de mariage d’Henri et de Margot,
et aussi de l’attentement contre Coligny lui-même, quelques années plus tôt,
par le moyen d’une poudre blanche que l’assassinateur avait failli à
administrer. M. de Mazille qui, quoique papiste, était fort homme de bien, fut
lui aussi vergogné assez de ces impudentes paroles et fort gêné, s’accoisa,
l’œil à terre, tant est que la Reine-mère serait restée sans la réponse qu’elle
quérait sans doute, si Cornaton, bec jaune qu’il était, et voulant faire
l’officieux devant Sa Majesté, ne s’était écrié en sa colombine
simplesse :
    — Hé,
Madame ! Nous y avons pourvu ! Nous avons oint la plaie d’un
alexitère pour contrebattre le poison, si d’aventure la balle en était
frottée !
    À quoi je vis
bien que la Reine-mère mordit sa lippe, sa lourde paupière retombant sur son
œil. J’en voulus mal de mort au pauvre Cornaton de sa sottarde indiscrétion, ne
pensant pas qu’il y allât de l’intérêt de l’Amiral qu’on le crût déjà sauf,
auquel cas, Dieu sait s’il n’aurait pas à subir un deuxième coup de ceux-là
mêmes qui lui avaient infligé le premier.
    Cependant
Albert de Gondy (un Florentin lui aussi et dont

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