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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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réveiller, descendait les degrés de
l’étage pour saillir lui aussi, et au Louvre se rendre.
    Ayant convenu
de rencontrer le maître en faits d’armes à midi en la repue de Guillaume
Gautier, je le quittai après nos coutumiers embrassements pour ce que je
voulais voir Alizon, en son petit logis de la rue Tirechappe. Cheminant ès
rues, mon gentil Miroul à ma senestre, j’observai que, quoi qu’on fût un samedi
matin, toutes les échoppes des marchands gardaient l’œil clos, n’ayant point
ôté leurs paupières de chêne, et je ne laissais pas d’imaginer que derrière ces
contrevents cadenassés, et ces portes si bien barrées, nos bourgeois, remparés
et claquemurés, en étaient, comme mon Recroche, à fourbir férocement leurs
armes de milice, dans l’appétit où ils étaient d’une grande meurtrerie des
huguenots et de la succulente pillerie de leurs biens, de leurs bijoux, de
leurs vêtures, de leurs chevaux, car les nôtres n’étaient pas venus démunis au
mariage princier, voulant faire honneur au Roi en ces fastes et tenir bravement
leur rang. Ha ! pensai-je, la bonne aubaine quand la picorée et le meurtre
deviennent – foi de prédicateur papiste ! — autant de reluisants
mérites pour gagner le ciel !
    — Moussu !
dit Miroul, lequel, à suivre mon œil, devinait mes pensées, pour le coup, tout
devient manifeste ! Il faut sonner le boute-selle ! Ce serait sottise
et folie de demeurer céans, toute une ville courant à nos chausses.
    — Miroul,
dis-je à voix étouffée, je suis commis cette nuit par Ambroise Paré à veiller
l’Amiral. Mais demain, dès la pique du jour, nous secouerons la poussière de
nos semelles sur cette ville atroce !
    — Demain !
dit Miroul, l’œil fort effrayé, demain ? Remettre encore à demain ?
Quand je vois cette nuée si proche !
    Mais nous
étions rendus, et lui disant de m’espérer au porche, je montai seul voir mon
Alizon, laquelle à m’envisager, me jeta, avec un petit cri, les bras autour du col,
ferma la porte derrière moi d’un coup de son pied mignon, et me piquant mille
poutounes à la face, m’épousa sur toute la longueur de son corps. Ha !
lecteur ! Que me fut confortante cette tant féminine douceur dans la male
heure que je vivais !
    Quand nous
eûmes pris nos commodités, je contai à ma petite mouche d’enfer, tandis qu’elle
reprenait vent et haleine, sa mignarde tête brune reposant sur mon épaule, mon
entretien avec le Maître Recroche.
    — Moi,
dit-elle, jaser à tort ! C’est menterie ! La veille d’une fête de
saint qui un dimanche tombe, on est accoutumé de chômer l’après-midi, non les
matines. Si les marchands n’ont pas ce jour d’hui déclos leurs échoppes à la
pique du jour, c’est qu’ils craignent une émotion populaire et la picorée qui
d’ordinaire lui traîne à la queue. Raison pourquoi le pleure-pain Recroche vous
met hors logis : il vous cuide hérétique, et craint que si on vous occit
chez lui, on pille son bien dans le même temps que le vôtre.
    — Mamie,
dis-je levant haut le sourcil, tiens-tu donc qu’une émotion civile doive
irrompre incontinent ?
    — Qui ne
le croit ? dit-elle.
    Et se
soulevant sur son coude afin que de m’envisager mi-tendresse mi-irrision pour
ce qu’elle se jugeait bien au-dessus de mes provinces, elle poursuivit en son
parler si vif et si précipiteux :
    — Ha !
mon Pierre, je suis béante de votre simplesse, tout noble que vous soyez, et
révérend docteur médecin. Ou c’est alors que vous connaissez mal cette grande
ville que voilà. Céans, au moindre souffle, les pavés d’eux-mêmes se déterrent,
tant Paris est de sa complexion rebelle et maillotinière, dès lors qu’on lui
veut faire avaler potage au rebours de son estomac. Or, oyez-moi bien, ceci
n’est pas souffle, mais tempête. Nos bons curés nous le vont répétant depuis
hier : ces chiens d’hérétiques se veulent revancher de la navrure de
l’Amiral sur la maison des Guise, que tant nous aimons et vénérons pour ce
qu’elle est le plus sûr bastion de la chrétienté. Raison pourquoi chacun ce
matin s’arme dans sa chacunière, pour défendre les Guise et courir sus à ces
démons. Benoîte Vierge ! À la première cloche, nous écraserons cette
vermine !
    — Quoi ?
dis-je, y compris ceux qui sont manants et habitants paisibles en cette
ville ?
    — Eux-mêmes.
Ce sont serpents, même s’ils ne font que passer ès rues, le nez dans

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