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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Brantôme disait que, placé
auprès de Charles IX en ses jeunes ans, il l’avait tout à plein corrompu)
envisageait la Reine-mère œil à œil, et entendant mieux qu’aucun autre (car il
était de longue date son confident) ce qui se remuait dans son esprit, dit d’un
ton suave, mais l’œil fort renardier :
    — J’opine,
Madame, qu’il conviendrait de transporter M. l’Amiral au Louvre où le Roi le
pourrait du moins protéger de l’émotion populaire, les Parisiens étant si
enflammés contre lui.
    — Ha !
Madame ! dit incontinent M. de Mazille, soit qu’il n’entendît pas où Gondy
voulait en venir, soit qu’il parlât tout bonnement en médecin, il n’y faut pas
songer ! Il y aurait grand danger à bouger de présent M. l’Amiral et à
l’exposer à la contagion de l’air.
    À quoi la
Reine-mère qui, depuis quelques minutes, ne voyait pas se prolonger sans
malaise le conciliabule secret entre le Roi et Coligny derrière la custode, dit
qu’elle le voulait quérir elle-même de l’Amiral et s’approchant du lit, fit
signe de loin à l’archer du corps de soulever davantage le rideau, et pour dire
le vrai, m’avançant le premier, je trouvai à l’Amiral une mine point du tout
aussi mauvaise qu’on l’eût pu craindre à son âge après le coup qu’il avait reçu
et le pâtiment subi au découpement de sa phalange et à l’ouverture du coude.
Tel et si grand était l’empire de sa force d’âme sur son corps.
    Comme je
précédais la Reine-mère pour lui frayer un chemin dans la cohue que j’ai dite,
j’atteignis le chevet avant elle et ouïs l’Amiral mettre le Roi en garde
« touchant les funestes desseins de quelques-uns (il entendait les Guise)
à l’encontre de son état et de sa couronne ». Phrase qu’il interrompit dès
qu’il vit la Reine-mère, se doutant bien que ce n’était point pour lors contre
ce côté-là qu’elle inclinait à prévenir son fils.
    Il me sembla
que l’Amiral parlant à la Reine-mère mettait quelque raideur en sa courtoisie,
comme s’il l’eût soupçonnée de ne point être si affligée qu’elle le voulait
paraître. Tant est qu’il déclina tout à plein d’être transporté au Louvre,
encore que le Roi l’en priât aussi, disant qu’il était céans fort bien curé par
les médecins et chirurgiens du roi, ce dont il remerciait mille et mille fois
Sa Majesté. Là-dessus le roi, protestant derechef qu’il lui rendrait justice de
ce lâche attentement, la Reine-mère excessivement renchérit, disant bien haut
que ledit attentement n’atteignait pas seulement M. l’Amiral mais que
« c’était un grand outrage fait au Roi et que si l’on supportait cela
aujourd’hui, demain on prendrait la hardiesse d’en faire de même dedans le
Louvre ». À quoi elle ajouta encore avec la dernière fermeté :
« Combien que je ne sois qu’une femme, si suis-je d’avis qu’on y pourvoie ! »
Protestations dont l’Amiral la remercia, mais grand homme de bien qu’il était
et peu accoutumé à feindre, avec un air froidureux assez. Et il est vrai que la
Reine-mère avait lancé cet esteuf-là quelque peu lourdement, et qu’il était
bien difficile de se laisser piper à ces paroles emmiellées tant elles puaient
le faux à dix toises.
    Le Roi et la
famille royale étaient à peine départis du logis de l’Amiral, précédés et
suivis des hoquetons blancs et des trompettes, que le Prince de Condé et le Roi
de Navarre survinrent, mais, Coligny s’étant ensommeillé de par la fatigue que
cet entretien lui avait baillée, M. de Mazille ne permit pas que les Princes le
vissent et d’autant qu’il tremblait quelque peu la fièvre du fait de sa navrure
et qu’on venait de lui administrer de l’eau de thériaque pour détendre
l’agitation de ses esprits animaux.
    En conséquence
de quoi, les Princes redescendirent dans la salle basse, d’où ils passèrent
dans la chambre de l’enseigne Cornaton où se tint ex abrupto une sorte
de conseil des principaux gentilshommes protestants, parmi lesquels je reconnus
mon cousin Geoffroy de Caumont, M. de la Force et ses deux fils dont le cadet
Jacques tant me plaisait par la grâce d’esprit qui se lisait dans son bel œil
et dans son ample front ; le comte de La Rochefoucauld, tant aimé du Roi
pour sa folâtre gaîté ; le roide Montgomery, le vieil homme Briquemaut, M.
de Guerchy et enfin M. de Ferrières, vidame de Chartres, lequel, pour avoir
moins à se glorifier dans

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