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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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jamais –
bien semblable en cela à la foi persécutée des miens –, je me mis à penser
à Alizon et ce pensement me faisant grand mal, non que je l’aimasse autrement
que d’amitié mais pour ce que les tant haineuses paroles de cette bonne
garce – écho de tout un peuple – me restaient au-travers de l’âme, si
bien qu’à la fin, en ce silence, en cette solitude, en cette interminable
attente, mon pâtiment fut tel et si grand que, couvrant mes yeux de ma main
senestre pour non point être aperçu, je pleurai.
    Bien sais-je,
hélas, que le zèle de la religion éclate aussi chez les nôtres en ses
inhumaines et impiteuses conséquences, que le sang de la Michelade de
Nismes crie encore contre nous et que Calvin même commanda que le grand médecin
Michel Servet fût brûlé en Genève. Ha ! Dieu d’amour ! Quand donc
finira chez ceux qui t’avouent cette chaîne et concaténation de haines qui
l’une de l’autre sortent et vont justifiant les meurtreries que l’on commet en
conscience au nom de ta Vérité – laquelle d’une âme à l’autre change tant
et varie que l’hérétique qui meurt sur le fagot ne songe qu’à dénoncer en
mourant l’hérésie de son tourmenteur ?
    Deux fois
cette nuit-là me levant de mon escabelle, j’allai soulever la custode qui
fermait le lit de l’Amiral pour ouïr son souffle, lequel était tant égal et
paisible que s’il eût dormi en sa douce retraite champêtre de
Châtillon-sur-Loing, et non sur un baril de poudre. Dans le fait, le pauvre
ministre Merlin, lequel était pourtant bien moins vieil que lui, me parut en
son sommeil infiniment plus agité et mal allant, son vent et haleine étant
heurté et difficile. Miroul, à ce que je vis à la lueur de l’unique chandelle,
ne dormait point mais gardait l’œil sur moi, quoique le baissant quand je
l’envisageai pour ne point m’importuner par le souci qu’il se faisait de moi,
ce qui bien au rebours me conforta plus que je ne saurais dire, tant il est
doux de se sentir aimé dans le mitan de la détestation générale.
    J’ouïs à la
dixième heure le cri du guet qui faisait sa ronde. Je l’ouïs à la onzième, je
l’ouïs à minuit, mais je dus m’ensommeiller après minuit, car un fort toquement
à l’huis du logis me réveilla en sursaut, et me mettant sur pied, Miroul déjà
dressé à mon côté, et la main à la poignée de son épée, je vis que le majordome
La Bonne tâtait la table de sa main pour y chercher ses clés, sa vue n’étant
pas des meilleures.
    — Qu’est
cela, La Bonne ? dit le ministre Merlin en se dressant sur son séant,
l’air fort effaré.
    — C’est
Cossain qui requiert qu’on lui ouvre, dit La Bonne de sa voix douce et suave.
    — N’ouvrez
pas, La Bonne ! cria Merlin en se levant de son fauteuil, et les yeux par
une soudaine terreur agrandis.
    — Qu’est
cela ? dit la voix de l’Amiral de derrière la custode que Yolet
incontinent écarta pour que son maître se pût faire ouïr de ceux qui étaient
là.
    À ce moment,
au rez-de-chaussée du logis, le heurtoir de l’huis fut derechef toqué à pogne
rabattue, et la voix du maître de camp, retentissant à travers l’épais panneau
de chêne, hurla :
    — Ouvrez !
C’est Cossain !
    — N’ouvrez
pas, La Bonne ! cria Merlin, closant ses oreilles de ses deux mains
tremblantes.
    — La
Bonne, dit alors l’Amiral, calme et composé comme à son ordinaire, ouvrez.
C’est Cossain. Peut-être le Roi est-il attaqué en son Louvre. Ouvrez, La Bonne,
et m’en donnez nouvelle.
    La Bonne
prenant un chandelier qui était là et l’allumant à la chandelle pour s’éclairer
en son cheminement, je descendis sur ses talons ainsi que Miroul, Yolet,
Cornaton et Muss, tous cinq dégainant, et rejoints au bas des degrés par
Fröhlich, Cadieu et les autres Suisses qui saillaient de la salle basse,
pertuisane en main. La Bonne, tirant les deux gros verrous, l’un bas et l’autre
haut, fut quelque temps avant de trouver la bonne clef à son trousseau tant il
avait la vue mauvaise et par surcroît le chandelier lui embarrassant la main
senestre. Mais encontrant enfin la clef qu’il y fallait, il la mit dans la
serrure, tourna et tirant la porte à lui, se trouva œil à œil avec Cossain qui,
sans dire un mot, incontinent le dagua.
    — Ach ! Traître ! cria Fröhlich en portant à l’assassinateur un terrible coup de
pertuisane en la poitrine qui, sans pouvoir pénétrer la cuirasse,

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