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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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(lui qui pourtant était si piaffeur) une sorte de
reître qui, l’épieu à la main, hurla :
    — Est-ce
toi l’Amiral ?
    — C’est
moi, dit Coligny qui élevant son chandelier le plaça devant son visage.
    — Ha !
traître ! dit l’homme en lui enfonçant son épieu dans le ventre.
    Le chandelier
s’échappa de la dextre de l’Amiral, lequel toutefois ne tomba point ; et
regardant le meurtrier, dit sur un ton d’infini déprisement :
    — Encore
si c’était un homme et non pas un goujat.
    À quoi,
retirant son épieu des entrailles de l’Amiral, le goujat lui porta un terrible
coup d’estramaçon sur la tête, lequel le versa au sol. Je n’en voulus pas voir
davantage et descendis en courant le viret, Fröhlich sur mes talons, Miroul me
précédant et bien fit-il de me précéder, car ayant débarré sans noise la petite
porte qui donnait sur la rue de Béthisy et la déclosant de deux pouces à peine,
il vit et je vis avec lui, à une toise de nous, éclairés par un falot que
tenait un valet, et une troupe nombreuse derrière eux, le bâtard d’Angoulême et
le Duc de Guise, lequel levant la tête vers la fenêtre de l’étage, cria avec
impatience :
    — Est-ce
fait, Besme ?
    — C’est
fait, dit la voix du reître que j’avais vu à l’instant à l’œuvre.
    — M.
d’Angoulême, reprit le Guise, ne le croira qu’il n’ait vu le corps à ses pieds.
    Lequel corps,
incontinent, fut défenestré par le reître que le Duc avait interpellé et qui
était, comme nous le sûmes depuis, un Allemand originaire de Bohême (raison
pour quoi on l’appelait Besme) et domestique de la maison du Guise. Comme la
tête de Coligny était ensanglantée du coup d’estramaçon que ce Besme lui avait
assené, le bâtard d’Angoulême, sans doute pour s’assurer de le bien reconnaître,
se pencha et lui essuyant la face de son mouchoir, dit enfin :
    — C’est
bien lui.
    Après quoi se
redressant, et perdant de par sa native bassesse toute raison et vergogne, le
bâtard osa donner du pied dans le cadavre, ce que voyant le Duc, il lui mit la
main sur le bras comme pour signifier que l’outrage n’atteignait point celui
qui ne le pouvait plus ressentir, et redressé lui aussi, mais d’une autre
sorte, portant fort haut la crête comme si ce fût là le jour de sa gloire et se
tournant alors vers les gardes du Roi et les gentilshommes de sa maison qui
attendaient à quelques toises, pareillement armés en guerre, d’aucuns portant
des torches et les yeux luisants de l’appétit du carnage, il s’écria d’une voix
forte :
    — Mes
amis, courons partout achever une œuvre qui fut si bien commencée céans !
    Oyant quoi,
Miroul reclosa sans bruit la petite porte et l’ayant remparée, me dit à
l’oreille :
    — Moussu,
il n’y a d’autre issue céans que la gueule du loup. Remontons le degré et
attentons les toits.
    Ce que nous
fîmes, et on peut croire que nous marchâmes à patte de velours en repassant
devant le fenestrou qui donnait dans la chambre de l’Amiral, mais c’était bien
peine perdue, car y risquant la moitié d’un œil, je vis les gardes dans la
chambre tant affairés à la pillerie des coffres qu’une horde de chevaux eût pu
dévaler le viret en hennissant sans qu’ils se fussent désemparés de leur
picorée.
    En haut des
degrés une chétive lucarne donnait sur le faîte du logis, par où Miroul se
glissa comme furet, moi-même à force et Fröhlich à tant de dur labour qu’un
chameau par le chas d’une aiguille. Cependant, ahanant, soufflant et serrant
sur soi ses gros membres, il passa, et tous trois nous tenant de la main au
toit de la tourelle d’où nous avions sailli, les pieds sur celui du logis, nous
pouvions voir en bas dans la rue de Béthisy les torches et les falots jeter de
sinistres lueurs sur le grouillement des hallebardes et des cuirasses.
    À notre
dextre, la lune étant sortie d’un nuage, nous pûmes envisager les tours de
Saint-Germain l’Auxerrois et derrière elles la grande masse sombre du château
du Louvre d’où était parti l’ordre de notre mort. La nuit s’éclaircissant, la
pique du jour n’étant pas loin, sa clarté multipliait nos périls et, voyant
bien que nous ne pouvions demeurer davantage où nous étions sans être aperçus
et traqués, nous balancions sur le chemin à prendre pour nous sortir de ce
prédicament, quand tout soudain, ébranlant l’air à l’entour, retentit le gros
bourdon de

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