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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qui nous étonna assez fut que ce pas-là fût triple, et non pas
double, comme si l’humain dont il procédait se fût flatté de l’usance de trois
pieds, chacun faisant au toquement un bruit différent. Et combien que les
saints papistes soient réputés de produire des miracles en Paris, celui-là me
laissa en doutance et du reste s’éclaircit quand, le falot s’approchant, nous
le vîmes éclairer un guillaume qui clochait sur une jambe de bois et s’aidait
dans sa marche d’une hallebarde car le bonhomme paraissait vieil, encore que
vigoureux, la face tannée et couturée, et le chef couvert d’un chapeau
comportant plus de plumes que la queue d’un coq.
    Tendant vers
nous le falot au bout de son bras, il s’arrêta à une toise de nous, et nous
considéra fort curieusement et sans l’ombre de peur, tant jeunes et bien armés
que nous fussions tous quatre, et lui tant vieil et seul.
    — Or sus,
mes bons enfants ! dit-il d’une voix rude mais cordiale assez,
décampez ! La place est mauvaise ! Vous êtes gîtés à la male
heure !
    Et levant son
falot, il nous montra, suspendus à l’huis du logis contre le mur duquel nous
étions adossés, un chiffon de crêpe noir et un corbillon, lesquels signalaient
qu’il y avait là – serré avec sa famille et sous défense d’en
saillir – un pesteux, lequel reclus la charité des bonnes gens nourrissait
par le moyen du petit panier que j’ai dit. Vue qui frappa d’épouvante mes
compagnons et les fit se lever comme si les flammes de l’Enfer leur eussent
léché la croupière.
    Pour moi, me
dressant sans tant de hâte, je dis d’une voix calme assez :
    — Ne
craignez rien, mes bons amis. Peste se prend avec pesteux, fût-ce même son
linge, mais point par contagion de l’air, comme d’aucuns ont prétendu.
    À ces mots qui
sentaient le médecin, le quidam boiteux leva vivement le falot et m’éclaira à
plein le visage, par là même éclairant le sien, que je reconnus, mais sans mot
piper, car l’homme me donna incontinent de l’œil pour me prier de m’accoiser.
    — En
toutes guises, dit-il, c’est chétif gîte pour d’honnêtes gens qui m’ont l’air
de fatigue recrus.
    — Ach ! La fatigue ! dit Fröhlich, c’est la male faim, mein Herr, qui me
périt et non point la fatigue !
    À quoi l’homme
éclaira de son falot notre bon Suisse, l’envisagea, sourit (les coutures et
cicatrices de son visage se plissant en ce souris) et dit :
    — Mes
bons amis, si vous pâtissez du même dol que celui-là que j’aime fort, tant pour
sa bonne trogne que pour ce qu’il me paraît ne pas être étranger à l’état qui
fut le mien, je vous convie à venir en mon logis vous restaurer quelque peu, ce
peu n’étant pas prou, ma femme n’étant point là et moi-même peu idoine à
tourner un œuf au logis quand ma commère défault.
    Vous pensez si
après cela nous le suivîmes tous quatre d’un pas bondissant, et la salive en
bouche et n’eûmes pas vergogne en son logis (lequel était proche, pauvre assez,
mais non point misérable) à nous asseoir à sa table, devant une croûte de pain,
quelques tranchettes de jambon et un gobeau de vin clairet, tâchant toutefois
de ne point gloutir à l’avalade, mais de faire que le plaisir nous durât et que
le profit de provende fût par là accru. Le bonhomme, pendant ce temps, nous
envisageait avec bénignité et accotant au mur sa hallebarde et quittant son
chapeau, lequel, par une sorte de compensement, portait plus de plumes que son
crâne ne comptait de poils, sa tête étant chauve comme esteuf et sillonnée
d’une longue et blanchâtre cicatrice.
    — Mes
amis, dit-il, le Roi ce matin a fait proclamer un ban à son de trompe, lequel
commande aux manants et habitants de sa bonne ville de Paris de ne pas cacher,
nourrir ou donner assistance aux hérétiques à la fuite, sous peine d’y perdre
eux-mêmes la vie. C’est pourquoi, poursuivit-il non sans quelque secrète
gausserie en sa voix, je suis bien aise de voir à vos brasseaux blancs que vous
êtes du parti des bons chrétiens – dont je suis – sans quoi, j’eusse
trouvé grande impossibilité à vous conforter, ne voulant point hasarder mon col
à si fâcheux secours. Pour moi, étant ancien soldat des gardes du Roi (à quoi
Fröhlich dressa ses deux grandes oreilles) je n’ai guère friandise à me mettre
brasseau blanc au bras – soit dit sans offense à vous – pour courre
navrer dans leur lit des gens

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