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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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étrangler tous
de ses mains, ou à tout le moins pour ameuter à beaux cris à leurs trousses
tous les chiens du quartier. Pour moi, comme j’ai dit, je ne suis pas si zélé,
je tiens pour catholique quiconque se donne pour tel, ayant le nez fort court
et ne voyant malice à rien.
    À ce discours
à demi-mot (bien à la manière du naquet) j’entendis que nous ne pouvions
demeurer davantage sans déconforter le bonhomme. Je me levai, non sans avoir en
catimini glissé un écu sous mon gobelet, et à notre hôte je fis de grandes
grâces et merciements.
    — Si vous
passez par le pont Saint-Michel, dit-il à mi-voix en écourtant mon compliment-,
donnez-vous garde de la cédule de passe qu’on y quérera de vous. Passez juste
avant la pique du jour, la garde se relâchant prou par la fatigue de la nuit,
et quand vous serez dans le quartier de l’Université, choisissez, pour saillir
hors murs, la porte de Buccy. C’est par elle qu’on laisse entrer les gens des
villages pour envitailler Paris et il y a toujours, en conséquent, sur le
pont-levis grande presse et confusion.
    Le naquet
voulut bien nous mettre sur le chemin, et même après que nous fûmes départis,
il demeura un moment, le falot au bout du bras à tâcher de nous éclairer. Avant
que de tourner à dextre comme il avait dit, je jetai un œil ultime à sa
lanterne, laquelle, encore qu’elle brillât comme une fort chétive et menue
flamme dans les ténèbres de la ville, me conforta tout autant que la bénignité
de son porteur. Nous tournâmes le coin de la rue et la lumière disparut, mais
non point l’espoir qu’elle avait en moi jeté. Ha ! pensai-je, voilà la
vraie foi, celle de ce bon aumônier, et il n’en est pas d’autre. Plaise au
Créateur que tous les manants de ce val de misère entendent un jour, comme le
naquet, que zèle à Église sans amour de l’homme n’est que ruine de l’âme !
    On suivit la
rue de la Calandre jusqu’à la rue de la Barillerie et là, je dépêchai mon
gentil Miroul à reconnaître le pont Saint-Michel, comme déjà j’avais fait pour
le pont aux Changes. Quoi fait, comme couleuvre en buisson, mon gentil valet se
coula à mon côté.
    — Moussu,
me dit-il, il y a là une demi-douzaine de bourgeois de Paris qui boivent comme
souliers percés. À leur courir sus à la chaude, nous en verrions la farce.
    — Voire !
dit Giacomi. Ont-ils bâtons à feu ?
    — Deux.
    — C’est
trop de deux, dit Giacomi. Ne mettons pas nos vies à hasard. D’autant que la
nombreuse troupe que nous entr’aperçûmes devant le Palais pourrait marcher à
l’escopetterie, la nuit étant pour lors si calme.
    — C’est
vrai, Herr Gott, qu’elle est calme ! dit Fröhlich.
    — Ha !
bon Suisse ! dit Miroul, même les bourreaux dorment !
    — Tu
parles d’or, Giacomi, dis-je à la fin, me tournant vers lui et ayant pesé ses
sages raisons. Attendons que ces héros noient leur peu de sens en
flacons !
    On se mussa
sous un encorbellement, assis sur un banc de pierre, contre un logis adossés,
sans mot piper, et sans voir personne qu’un chien efflanqué, lequel rôdait
autour d’un cadavre que les massacreurs avaient laissé à quelques toises de là
dans le ruisseau de la rue. À dire le vrai, la nuit étant noire assez, on ne
vit pas de prime le corps, mais le chien, lequel était blanc. Mais l’œil à la
pénombre s’accoutumant, on vit aussi le pauvre martyr et Miroul se levant, alla
chasser la bête qui balançait à y mordre, étant elle-même à demi périe de faim.
    On décida de
se gîter plus loin, mais plus loin, on trouva d’autres corps en tas et ceux-là
puants déjà en la touffeur de l’air et si fort qu’on retourna à notre banc de
pierre, le chien quasi sous nos talons, se remettant à sa repue, la queue entre
les jambes et gémissant lugubrement. Miroul le voulut chasser deux fois encore,
mais y faillit, perdant sa peine. Il eût fallu l’occire. Et aucun de nous n’y
avait appétit, ne trouvant pas la bête tant féroce et cruelle que celles qui
nous pourchassaient.
    Enfin, la nuit
blanchissant, on décida d’attenter le passage du pont. Et nos armes au creux du
bras, Fröhlich balançant sa massue au bout du sien, on s’avança, tous quatre
sur un rang, le pied prudent, l’ouïe pointée et l’œil à l’aguet.
    Franchies les
chaînes, on vit un falot par le milieu du pont et tirant par là, on aperçut
qu’il éclairait une partie de carte-virade qui se jouait sur

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