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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ville
arrivé de trois jours, dit Giacomi promptement, raison pourquoi, seigneur
capitaine, point ne m’avez encore rencontré.
    — Pierre, dit Cossolat le
lâchant, mais m’envisageant avec quelque doutance de son œil noir,
répondez-vous de lui ?
    — Oui-da, dis-je en riant,
tout autant que de moi !
    Là-dessus, Cossolat qui avait une
tête de moins que Giacomi, mais fort trapu de corps, les épaules carrées, la
membrature sèche et musculeuse, toisa le quidam sans amour aucune et dit :
    — Italien, ramentois bien
ceci : peu me plaît qu’un manant de ta dégaine porte en ma ville épée et
dague, quand il n’a pas en son escarcelle un seul sol vaillant.
    Quoi dit, il tourna les talons et
s’en fut fort roide et le dos irrité.
    — Seigneur médecin, dit
Giacomi en me saluant, que de grâces et de mercis vous dois-je !
    — Bah ! dis-je, le
coupant, laisse-là, ce n’est rien, je n’eusse pas aimé que le jour de ma
promotion, on te serrât en geôle pour le larcin d’une saucisse.
    — D’autant, seigneur médecin,
dit Giacomi en espinchant d’un air tant piteux que friand celle que je tenais
en ma dextre, que je n’ai encore rien mangé.
    À quoi je m’esbouffai à rire.
    — Eh bien ! mange,
compain, dis-je en lui tendant gobelet et saucisse, mange et bois, je n’en suis
plus à quelques sols près m’étant ce jour si dégarni ! Et le poussant dans
le petit cabinet que M me de Joyeuse et Aglaé venaient de quitter, je
le fis servir à tas par l’alberguière, lui disant de bien se remplir et que je
viendrais l’entretenir dès que mes hôtes s’en seraient allés.
    À peine, cependant, fus-je
derechef en la grand-salle qu’une des mignonnes chambrières, qui s’était tant
fait pastisser le dos lors de mes triduanes, s’approcha de moi avec de
petites mines et un air de mystère et me dit qu’une demoiselle de condition,
mais masquée et voilée, m’attendait à l’entrée du logis, requérant ma personne.
    J’y fus et trouvai devant moi une
garce fort grande, fort bien accommodée en attifures et affiquets, portant
masque et par-dessus le masque, une dentelle noire qu’à ma vue elle retira,
découvrant des cheveux blonds de paille qu’incontinent je reconnus pour être
ceux de Dame Gertrude du Luc.
    — Ha ! Madame !
dis-je, vous céans ! Si loin de votre Normandie ! Que mon Samson sera
ravi de vous envisager !
    — Et vous, Monsieur mon
frère, dit Dame Gertrude, parlant en son français de Normandie, n’en êtes-vous
point heureux aussi ?
    — Si fait, Madame, dis-je
avec quelque impatience de ses coquetteries, et me ramentevant tout soudain son
intrigue avec Cossolat, j’ajoutai non sans lui montrer, le temps d’un battement
de cil, un œil plus froidureux :
    — Si du moins vous lui êtes
céans aussi fidèle que lui à vous.
    — Ha ! Monsieur, en
doutez-vous ! cria la chattemitesse, bien aise, je gage, que son masque
pût cacher sa vergogne, si vergogne il y avait. Mais Monsieur mon frère,
poursuivit-elle, n’êtes-vous pas étonné de me voir céans ?
    — Certes !
    — Je suis, dit-elle en me
posant sur le bras sa main ornée sur le gant d’une bague fort grosse, je suis
sur le chemin d’un second pèlerinage à Rome, ayant tiré du premier tant de
spirituels profits.
    — Hé ! Madame, dis-je
d’un ton confit, voilà qui est fort édifiant, pour peu que vous ne dépensiez
pas en chemin les indulgences que vous aurez gagnées en la ville du pape.
    — Ha ! méchant
huguenot ! dit-elle en feignant un petit courroux, vous vous gaussez de
moi ! Êtes-vous à ce point impiteux aux faiblesses d’une pauvre
papiste ?
    Et ce disant, me jetant les mains
autour du col, elle me donna une forte brassée, son beau corps épousant le mien
sur toute sa longueur, et si doux, si mœlleux, si ondulant que ma gorge se
séchant, la parole tout soudain me manqua, laquelle, à vrai dire, n’eût pas été
nécessaire si j’avais dû poursuivre dans la voie où cette Circé par tous les
bouts me menait. Et certes, comment eussé-je pu être impiteux à ses faiblesses
alors qu’elle me rendait les miennes si sensibles ? La bonne leçon !
et qui bien me ramentevait de ne point juger mon prochain !
    Cependant, je ne voulus point lui
céder plus outre, ayant mon bien-aimé Samson dans le pensement et prenant Dame
Gertrude aux deux épaules, et de force forcée l’écartant de moi, je lui dis à
l’oreille :
    — Madame, cette fois

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