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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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souriant.
    — Quoi ?
dis-je avec un haut-le-corps, moi en Paris !
    — Combien
que vous la haïssiez de présent, Paris est une Circé, dit Quéribus, et une fois
qu’on a à sa coupe mis la lèvre, on y revient. En outre, vous n’êtes pas
insoucieux de votre avancement, et il n’est d’avancement que par elle en ce
royaume.
    De Bordeaux,
on tira vers Bergerac et comme enfin, par les fort tournoyants chemins de mon
beau Périgord, nous approchions des Aizies, Quéribus, toujours chevauchant avec
moi le premier, me dit :
    — Pierre,
si suivez mon conseil, gardez-vous en votre pays de conter votre parisienne
fuite à quiconque, hormis à Monsieur votre père et M. de Sauveterre. Par
Puymartin, j’aurai l’oreille de la noblesse catholique du Sarladais et en elle,
j’accréditerai à murmure le bruit que vous fûtes sauvé du massacre par la
faveur du Duc d’Anjou et la grâce du Roi.
    — Et à
quoi tendra ce doux et faux murmure ? dis-je, haussant le sourcil.
    — Huguenot,
vous serez mieux protégé en le trouble du temps, votre famille et vous, par
cette prétendue protection que par vos murs et remparts.
    — Ha !
Quéribus ! dis-je, il n’est pas que vous n’ayez lu Machiavel tant vous
avez la tête politique !
    — Je ne
l’ai pas lu, dit Quéribus, mais j’en ai l’usance, ne vivant qu’à la Cour.
    On trouva
Mespech à la vendange, dans une vigne qui était à un jet de pierre du château,
les garces cueillant les grappes et dans les hottes les mettant, les hommes les
protégeant à l’alentour, armés en guerre, à cheval et la pistole bandée, encore
que, depuis que j’avais tué Fontenac en duel, il n’y eût point tant à craindre,
à ce qu’on me dit plus tard, d’attaque félone, même en ces temps pour les
huguenots si périlleux.
    À la vérité,
notre cortège fut éventé à une lieue de Mespech par les cousins Siorac qui,
patrouillant sans être vus, nous virent, mais sans me reconnaître, et galopant
à brides avalées sous le couvert d’un bois de châtaigniers, coururent annoncer
à mon père que « deux moussus, richement vêtus, suivis d’une coche et d’un
nombreux domestique » se dirigeaient vers le château. Oyant quoi, mon
père, béant de cette inopinée visite, dépêcha Cabusse en avant, lequel mussé
dans un bosquet, me vit, me reconnut, et le revint dire ventre à terre,
bégayant comme fol en son émeuvement, tant est que le Baron de Mespech,
pâlissant et rougissant, pour ce qu’il nous tenait pour morts, et n’en croyant
pas ses oreilles, se rua à cheval sur le chemin, suivi de Sauveterre, et en
crut à peine ses yeux, quand il me vit, sautant de ma Pompée et courir à lui,
suivi de Samson, tandis qu’il démontait, les larmes lui coulant sur les joues
et aux nôtres bientôt mêlées.
    Il fallut bien
une grosse heure pour venir à bout de ces embrassements, de ces larmes, de ces
soupirs, de ces questions, de ces actions de grâce, nos gens laissant là les
vendanges et accourant, ayant grand appétit à nous serrer à leur tour, à nous
palper, à nous toquer, à nous baiser les mains ou les joues, et nous
étourdissant, ce faisant, de leur beau parler d’oc, lequel j’avais si peu ouï
ces deux mois écoulés que le son m’en paraissait étrange et comme enchanteur,
Quéribus du haut de son cheval, les deux mains sur le pommeau de sa selle,
envisageant cette scène avec un souris qui disait assez qu’il en était ému,
mais Dame Gertrude du Luc, à ce que j’observai, n’apparaissant pas à la
portière de la coche, voulant témoigner ainsi, je gage, de sa modestie.
    Mon père,
après mille grâces et mercis, invita tout de gob Quéribus et son domestique à
demeurer chez nous, l’oncle Sauveterre, sans mot piper, jetant un long regard
sur tous les gens de sa nombreuse suite et s’effrayant à part soi de tous les
creux que feraient ces estomacs en nos provendes. Par la bonne heure pour notre
huguenote économie, Quéribus refusa :
    — Je ne
peux, dit-il, que je ne me payse chez mon cousin Puymartin : il serait
offensé.
    Mais sur
l’invitation qu’on lui fit, il promit de revenir le lendemain avec Puymartin et
de passer le jour à Mespech. Il fallut bien, Quéribus départi, en venir à la
parfin, à cette coche immobile et close sur le chemin, vers quoi l’œil bleu et
intrigué de mon père s’était quand et quand tourné, et je vous laisse à penser
de quels feux il brilla quand Dame du Luc en descendit, toute

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